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archeologie et histoire

Ile de Sein: la chapelle Saint-Corentin et la navigation.

Publié le par DL

Sur l'île de Sein (Finistère), la chapelle Saint-Corentin est un des monuments touristiques les plus connus. 

La chapelle Saint-Corentin. Auteur: Ji-Elle sous licence Creative Commons Wikipédia. Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Ile_de_Sein-Chapelle.jpg

Le propos de cet article n'est pas de dévoiler l'histoire de cette chapelle qui se perd à la fois "dans la nuit des temps", et dans les archives. Supposée avoir succédé à un oratoire, elle aurait été bâtie au 15° siècle, puis, tombée en ruine au 19° siècle, elle a été entièrement reconstruite et inaugurée en 1972 à l'initiative de l'abbé Yves Marzin, alors recteur de l'île.

Cette chapelle est rarement évoquée dans les ouvrages historiques. Jacques Cambry, dans son Voyage dans le Finistère en 1794, écrit:

François Audran, dans le bulletin de la Société archéologique du Finistère de 1882, écrit:

Michel Bataillard, dans son "Histoire de l'île de Sein", décrit les légendes qui lui sont attachées, ainsi que les pratiques auxquelles se livraient les femmes de l'île au cours de neuvaines visant à la guérison des malades, et surtout les hommes dans le cadre de leurs activités de pêcheurs.

En effet, les pêcheurs sollicitaient de saint Corentin qu'il fasse souffler le vent dans la bonne direction, et pour ce faire, ils tournaient dans le sens voulu la crosse d'évêque de la statue qui se trouvait dans cette chapelle. En cas d'insuccès, ils punissaient le saint en tournant la statue face contre la muraille, ou bien ils l'aspergeaient du jus de leur chique de tabac.

Saint Corentin avait donc alors une certaine importance pour les marins de l'île de Sein. Mais on peut se demander si sa chapelle n'avait pas également de l'importance pour tous les marins, locaux ou non, qui devaient passer le Raz de Sein et surtout la Chaussée de Sein, zone particulièrement dangereuse parce que constellée d'une multitude de rochers découvrant plus ou moins à marée basse.

Cet extrait de la "Carte de la Côte de Bretagne depuis Belle-Isle jusqu'au Pont des Saints" (1752), met en évidence la position de "l'île des Saints" entre la Chaussée de Sein à l'Ouest et le Raz de Sein à l'Est. Source: gallica.bnf.fr

La chapelle Saint Corentin se situe à l'Ouest de l'île de Sein, entre le phare de Goulénez et l'amer de Plas ar Skoul, repères pour la navigation qui n'existent pas avant le 19° siècle.

Sur cette carte postale, on situe les positions respectives du phare de Goulénez, de l'amer de Plas ar Skoul et de la chapelle Saint-Corentin.

Même à l'état de ruine, la chapelle avait conservé son clocher initial jusqu'au début du 20° siècle, et c'est peut-être lui qui pouvait servir d'amer (lors de sa reconstruction en 1972, c'est un clocheton de l'ancienne église du bourg qui fut substitué à l'ancien clocher de la chapelle). 

Sur cette carte postale, si la toiture a disparu, la maçonnerie de l'ancien clocher est demeurée en place.

Avant la construction du phare et de l'amer, sur cette partie Ouest de l'île de Sein, relativement plate et peu élevée au-dessus du niveau de la mer, la chapelle Saint Corentin était donc la seule construction susceptible de servir de repère pour la navigation. 

La chapelle Saint Corentin et l'amer de Plas ar Skoul.

Ce qui conforte l'hypothèse que cette chapelle ait été considérée comme un amer, c'est sa figuration sur de nombreuses cartes marines. Ainsi, cet ancien "Plan de l'isle des Saints et des isles adjacentes ainsi que des roches qui les environnent, les brasses d'eau qui se trouvent autour ainsi que dans le passage du ras, les mouillages, les pointes de plogoff ou du ras, de Sizun ou de cleden capsizun, les chiffres marquent les brasses d'eau" daté des années 1600, est incontestablement destiné aux navigateurs.

"Plan de l'isle des Saints et des isles adjacentes etc." édité en 16.. sans autre précision. Source: gallica.bnf.fr 

C'est une des plus anciennes cartes qui ait été trouvée jusqu'ici, où la chapelle Saint Corentin est figurée ! Représenter cette chapelle sur une carte ou sur un plan n'a aucun intérêt pour les habitants de l'île qui n'ont pas besoin de cela pour savoir où se trouve cet édifice, pas plus que pour d'éventuels voyageurs visitant l'île de Sein dont on sait qu'ils étaient extrêmement rares à cette époque. Il est donc évident que cette carte a été dressée à l'intention des navigateurs.

"Plan de l'isle des Saints et des isles adjacentes etc." Détail. Source: gallica.bnf.fr 

On retrouve la chapelle Saint Corentin sur des cartes marines ultérieures

"Carte topographique des costes maritimes de Bretagne depuis Audierne jusqu'au Port Christ" Détail. Source: gallica.bnf.fr

Curieusement, si la chapelle est bien représentée sur cette carte, elle y appelée "St Guildas".

 "Carte topographique des costes maritimes de Bretagne depuis Audierne jusqu'au Port Christ" Détail. Source: gallica.bnf.fr

[Côtes de Bretagne, position des batteries] 16..-17.. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"5me carte particuliere des costes de Bretagne contenant les environs de la rade de Brest". 1693. Détail. Source: gallica.bnf.fr

(Carte de l'ile de Sein.). 17.. Détail. Source: gallica.bnf.fr

[Carte des côtes de Bretagne avec position et numérotation des batteries] 1700-1800. (Sans doute copie de celle datée de 16..-17.. ci-dessus) Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Costes de Bretagne [pointe de Luguénés - pointe de Lervily]". 1740. Même remarque. Détail. Source: gallica.bnf.fr

[Carte des côtes de Bretagne] 1750-1800. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Ile des Saints de Keranstrec". 1754. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Carte de la baye de Douarnenez et la coste de Bretagne depuis Dinant jusqu'au Bec du Ras". 1764. Source: gallica.bnf.fr

"Carte de la baye de Douarnenez et la coste de Bretagne depuis Dinant jusqu'au Bec du Ras". 1764. Détail de l'image précédente. Source: gallica.bnf.fr

[Ile de Sein]. 1771-1785. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Carte générale de la France dite de Cassini. 175, [Audierne - Rade de Brest]" . 1786. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Carte de la côte du département du Finistère". Vers 1790. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Carte de l'Etat major". 1820-1866. Détail. Source: geoportail.gouv.fr

Si la chapelle Saint Corentin n'est pas figurée sur la carte publiée en 1822 du  "Pilote français. [première partie], Environs de Brest", elle apparaît dans les vues "depuis la mer" de cet ouvrage.

"Pilote français. [première partie], Environs de Brest". 1822. Détail. Source: gallica.bnf.fr

"Pilote français. [première partie], Environs de Brest". 1822. Détail. Source: gallica.bnf.fr

 "Carte particulière des côtes de France/ Chaussée de Sein et passage du Raz de Sein". 1877, Détail. Source: SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine.

 Carte simplement intitulée "Quimper". Levée en 1853, révisée en 1887. Détail. Source: mediatheques.quimper-bretagne-occidentale.bzh

"Atlas des ports de France  Carte de l'Aber-Wrach à Audierne". 1894. Détail. Source: mediatheques.quimper-bretagne-occidentale.bzh

Un signal (aussi appelée pyramide selon la terminologie de l'époque), construit en 1817 par l'ingénieur-hydrographe Beautemps-Beaupré au lieu-dit Roujou, et surtout le phare de Goulénez, construit en 1839 à proximité de la chapelle, constituent évidemment des repères pour la navigation beaucoup plus efficaces que la chapelle Saint Corentin. Elle n'en demeure pas moins sur les cartes marines publiées après ces dates. 

Son utilisation comme repère de navigation n'est évidemment qu'une hypothèse qu'aucun écrit, dans les archives, ne vient confirmer.

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Vestiges de tétraèdres à Combrit

Publié le par DL

Sur la plage du Treustel à Combrit (Finistère), la houle a dégagé des vestiges du "Mur de l'Atlantique" constitués de restes de tétraèdres qui étaient enfouis sous le sable, près des bâtiments du centre nautique. Décembre 2019/Janvier 2020.

Les tétraèdres étaient des obstacles de plage destinés à gêner la progression de chars dans le cas d'un débarquement. Comme leur nom l'indique, c'était des éléments composés de 4 triangles en béton armé dont l'un reposait sur le sable.

 Un tétraèdre intact sur la plage de Tréguennec.

Au sommet, une tige de fer supportait une mine. Après la guerre, les plages ont été débarrassées des obstacles de toutes sortes qui les recouvraient ("asperges de Rommel", "hérissons tchèques", "portes belges", etc.). 

Des tétraèdres sont demeurés stockés en haut de certaines plages (Trez Goarem en Esquibien et Tréguennec), certains sont restés en place et se sont enfoncés dans le sable (Plage de Tréogat (1)), d'autres ont été démolis sur place et leurs débris enfouis dans le sable. C'est visiblement le cas sur la plage de Combrit. Ils réapparaissent parfois à l'occasion de démaigrissements de la plage dus à des tempêtes.

Lors de la démolition des blockhaus de la plage de Kermor en 2010, des tétraèdres réapparus lors de grandes marées ont également été détruits.

Liens:

https://www.letelegramme.fr/local/finistere-sud/ouest-cornouaille/plbregion/combrit/plage-du-treustel-les-blockhaus-ont-vecu-04-11-2010-1104576.php

https://rennes.maville.com/actu/actudet_-Les-blockhaus-de-la-plage-du-Treustel-a-Combrit-en-train-d-etre-demolis_-1573975_actu.Htm

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La batterie de Pors Poulhan

Publié le par DL

Le corps de garde de la pointe du Souc'h à Plouhinec (Finistère) est bien connu.

Mais non loin de là, une installation plus importante, la batterie de Pors Poulhan en Plozévet, servait également à la surveillance et à la défense de cette partie de la côte. Pourtant, il n'en reste aucune trace sur place. 

A Plouhinec il s'agissait d'un simple corps de garde d'observation, c'est-à-dire servant à surveiller les mouvements d'éventuels navires étrangers et à les signaler aux autorités. D'ailleurs, sur une carte des côtes de Bretagne (1750-1800), il est seulement qualifié de guérite, c'est-à-dire servant à abriter les hommes chargés de la surveillance. En revanche, le site de Plozévet devait être pourvu de pièces d'artillerie, au moins de manière intermittente, permettant d'engager le combat en cas de tentative de débarquement ennemi. Il comprenait aussi un corps de garde, mais également une guérite d'observation et un magasin à poudre.

Le guet de la mer, qui existe dès le Moyen Age, impose aux habitants des paroisses littorales une surveillance des bateaux de passage. Les conflits avec l'Angleterre et la Hollande et les attaques sur Saint Malo (1693 et 1695) et Camaret (1694) vont amener le royaume à organiser la défense des côtes. En 1716, des capitaineries sont créées dans les diocèses ayant une façade maritime, et regroupent des paroisses littorales ou proches de la côte (1).  

En 1726, un Règlement pour la division et l'estendue des Capitaineries Garde-Costes de Bretagne crée 29 capitaineries en Bretagne et désigne les paroisses relevant de chacune d'entre elles (2). Plozévet fait alors partie de la 14° capitainerie d'Audierne.

Règlement pour la division et l'estendue des Capitaineries Garde-Costes de Bretagne. Source: gallica.bnf.fr

En 1732, un nouveau Règlement porte à 31 le nombre des capitaineries de Bretagne (3). Plozévet fait alors partie de la 15° capitainerie d'Audierne. 

Règlement en interprétation de celui du 12 mars 1726 concernant la division et l'estendue des Capitaineries Garde-Coste de Bretagne. Source: gallica.bnf.fr

En 1734, une carte de la capitainerie d'Audierne est publiée (4). On y voit qu'un corps de garde est établi à "Plouzevet". Il s'agit sans doute de celui de Poulhan.

Capitainerie d'Audierne la 15° de la Province de Bretagne 1734. Source: gallica.bnf.fr

Capitainerie d'Audierne la 15° de la Province de Bretagne 1734. Détail. Un dessin symbolisant un corps de garde se trouve devant "Plouzevet". Source: gallica.bnf.fr

Les archives départementales d'Ille et Vilaine conservent des dessins réalisés en 1744 par Dominique-Alexis du Breuil du Marchais, ingénieur ordinaire du roi, et qui  représentent des corps de garde et signaux à construire ou à remettre en état. Parmi ces dessins, se trouve celui du "Profil en travers du corps de garde de Poulhan paroisse de Plouzevet ou la voute et la cheminée sont à refaire à neuf".

Profil en travers du corps de garde de Poulhan etc. fait à Brest ce 8 juin 1744. Source: Archives départementales d'Ille et Vilaine.

D'après ce dessin, le corps de garde avait une largeur intérieure d'environ une toise et demie, c'est-à-dire 3 mètres. On ne sait malheureusement pas quelle était sa longueur. Si de tels travaux de réparation sont à entreprendre en 1744, c'est que ce corps de garde est déjà relativement ancien.

Sur une carte des côtes de Bretagne publiée entre 1750 et 1800, le corps de garde est représenté (5).

Carte des côtes de Bretagne (1750 - 1800). Extrait. Source: gallica.bnf.fr

Cette source nous apprend qu'à cette date, il ne s'agit que d'un corps de garde et non pas d'une batterie. En effet, il est noté C.G. de Poulhan (Corps de Garde de Poulhan), alors que sur les pointes d'Audierne et de Créménec (notée Tremenec sur cette carte), qui défendent l'entrée du port d'Audierne, se trouvent bien des batteries notées Batt.

Carte des côtes de Bretagne (1750 - 1800). Détail. Source: gallica.bnf.fr

Les corps de garde et batteries des pointes d'Audierne et de Tremenec sur la Carte des côtes de Bretagne (1750 - 1800). Détail. Source: gallica.bnf.fr

Toutefois, selon une archive ultérieure, ce corps de garde était bien doté d'un magasin à poudre. Ce magasin avait sans doute été prévu lors de la construction du corps de garde, mais compte tenu du peu d'intérêt stratégique du site, peut-être n'a-t-il pas été équipé de canons. D'une manière générale, les batteries elles-mêmes n'étaient pas armées en permanence de pièces d'artillerie, mais seulement quand les conflits avec l'Angleterre s'intensifiaient. Quand le calme revenait, les canons étaient enlevés et entreposés dans des arsenaux comme ceux de Brest et Lorient.

Quoi qu'il en soit, une ordonnance royale de 1759 précise, pour chaque paroisse de la province de Bretagne, à la fois le nombre d'hommes qu'elle devra fournir pour le service de la garde des côtes et le montant de sa contribution aux dépenses annuelles de la milice (6). Plouzevet devra fournir 38 hommes et verser 249 livres 7 sols et 6 deniers.

Ordonnance du Roi portant imposition pour la dépense annuelle de la Garde-côtes de Bretagne du 27 août 1759. Source: gallica.bnf.fr

Les corps de garde sont construits et entretenus par les habitants des paroisses du littoral. Tous les hommes de 18 à 60 ans sont appelés à servir dans la milice garde-côtes, à l'exception des matelots susceptibles d'être enrôlés dans la marine royale. Les miliciens sont astreints à des exercices mensuels. Selon leurs aptitudes militaires et leur formation, ils sont affectés soit dans des compagnies du guet dans leur propre paroisse, soit dans des compagnies détachées dans des batteries ou des corps de garde d'autres paroisses, soit encore dans des compagnies de canonniers. 

Selon une "Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier", publiée entre 1771 et 1785, le site de Poulhan n'est plus désigné que comme "Corps de garde de Poulhant" (7). Ce n'est donc probablement pas (ou plus) une batterie équipée de canons.

Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier" (1771-1785). Source: gallica.bnf.fr

Selon un Etat des Compagnies détachées et des batteries de 1777-1778, la Compagnie détachée de Plouzevet est affectée aux batteries de Loctudy et du Guilvinec (8).

La feuille [Quimperlé - Ile de Groix - Quimper] de la Carte dite de Cassini, levée en 1783, ne mentionne pas explicitement le corps de garde de Poulhan. Mais un symbole au Sud de l'anse de Pors Poulhan, similaire à celui de la pointe du Souc'h à Plouhinec, pourrait bien le représenter (9).  

Cerclé de rouge, ce symbole représente peut-être le corps de garde de Poulhan. Encadré de rouge, le même symbole représente celui de la pointe du Souc'h en Plouhinec. Feuille [Quimperlé- Ile de Groix - Quimper] de la Carte dite de Cassini. 1783. Source: gallica.bnf.fr

Sur la Carte particulière des côtes de France (Baie d'Audierne), levée en 1818 par les Ingénieurs hydrographes de la Marine, ni le corps de garde de Poulhan en Plozévet; ni celui de la pointe du Souc'h en Plouhinec ne sont représentés (10). A la place de ce dernier, un sémaphore est mentionné.

Pilote français. Carte particulière des côtes de France (Baie d'Audierne). 1818. Source: gallica.bnf.fr

Sur la carte dite de l'Etat major (1820-1866), seul le corps de garde de la pointe du Souc'h est mentionné (11).

Carte de l'Etat major (1820-1866). Source: geoportail.gouv.fr

Le temps passe, les conflits s'apaisent, la nécessité de surveiller et de défendre la côte disparaît, les corps de garde et les batteries sont désarmés, désaffectés et tombent peu à peu dans l'oubli pour les cartographes. 

Les archives municipales de Plozévet nous apprennent que Charles Le Guellec,  qui fut maire de la commune de 1800 à 1821, avait également «été pendant cinq ans sergent de la compagnie des garde cod dans le temps du Roy. Et en outtre avoir été Capitaine de la compaignie des guett 28 ans» (12)

Cependant, on retrouve trace de la "batterie" de Poulhan sur le cadastre de 1828 de Plozévet (13).

Cadastre de Plozévet. Section E1 de Keringard. 1828. Extrait. Source: archives.finistere.fr

Cadastre de Plozévet. Section E1 de Keringard. 1828. Détail. Source: archives.finistere.fr

On voit, sur cet extrait du cadastre, que dans la parcelle 299, la "batterie" de Poulhan comporte deux constructions. La plus grande est certainement le corps de garde proprement dit, à usage de logement pour les garde-côtes, la plus petite pourrait être la poudrière. L'Etat des sections des propriétés bâties et non bâties indique que la parcelle 299 est "au Gouvernement" et qu'il s'agit d'un "corps de garde et fortifications"

Etat des sections des propriétés bâties et non bâties. Cadastre de Plozévet. 1828. Source: archives.finistere.fr

La "batterie" de Poulhan n'a plus d'utilité militaire et, avant 1860, le Département de la Guerre la remet au Domaine de l'Etat qui cherche à la vendre (14). Un échange de correspondances entre le receveur de l'Enregistrement et le maire de Plozévet nous fournit quelques précisions la concernant. Localement, elle est appelée "la batterie du Loch" et elle se compose de 3 parties:

- une maison principale qui a servi de logement (sous-entendu à la troupe), son toit en pierres est en mauvais état et laisse passer la pluie; elle est occupée par 2 veuves ayant respectivement 1 et 3 enfants.

- une autre, au nord, qui a dû être une poudrière, et qui n'a plus de porte;

- à l'ouest, contigüe à la maison principale, une guérite en ruine.

Le terrain autour sert à étaler et à brûler du goémon.

Pour les autorités militaires, la "batterie" de Poulhan est tellement tombée dans l'oubli que lorsqu'il est décidé de déclasser des batteries côtières, en 1889, celle-ci n'est même pas mentionnée entre celle de Cremenec'h en Plouhinec et celle de l'Île Tudy (15)!

Journal officiel de la République française. Lois et décrets. 30 mai 1889. Source: gallica.bnf.fr
En plus du dessin réalisé en 1744 par Dominique-Alexis du Breuil du Marchais, on connaît une image moderne où la "batterie" de Poulhan apparaît. Il s'agit d'une carte postale du début du 20° siècle. On y voit le corps de garde.

On ne sait pas précisément quand le corps de garde a été démoli. Aujourd'hui, on n'en trouve plus aucune trace.

La batterie de Poulhan se trouvait sur cette parcelle.

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Un site remarquable à Plouhinec

Publié le par DL

A Plouhinec (Finistère), sur la côte entre les plages de Kersiny et de Mesperleuc, un site attire l'attention.

Le site remarquable vu de l'Ouest.

Aux alentours, les terrains qui bordent la falaise sont naturellement inclinés en direction de la mer.  En revanche, cet endroit, presque horizontal, semble ne pas être d'origine naturelle mais voir été édifié de main d'homme.

Le même site vu de l'Est.

Par sa situation au sommet et au bord de la falaise, ce site rappelle les plateformes construites sur la côte du Cap Sizun pour hisser depuis l'estran le goémon d'épave avant qu'il soit séché et brûlé.

Si les plateformes des côtes d'Esquibien et de Primelin ont été maintenues par des murets de soutènement en pierres sèches, ce site, entièrement couvert de végétation, paraît être un amas de terre ou de sable.

A Primelin, les murs de soutènement d'une plateforme construite par les goémoniers au sommet de la falaise. En arrière plan, on aperçoit un mât de levage permettant de remonter le goémon de l'estran. 

A la surface de ce site, des vestiges semblent confirmer la fonction originelle de ce site. 

Il s'agit d'une part d'un trou circulaire dans un massif de béton.

En bas de cette photo, l'extrémité de la chaussure donne une idée de la dimension de ce trou.

Ce trou pourrait avoir servi à maintenir le pied d'un mât de levage.

Il s'agit d'autre part d'une pièce métallique scellée dans un autre massif de béton.

On peut imaginer que cette pièce métallique servait au maintien du mât de levage ou au treuillage du goémon depuis l'estran.

Brûleur de goémon sur la côte près d'Audierne.

A l'origine, le goémon d'épave (appelé localement bezhin distag) destiné à être brûlé dans les fours pour la production de pains de soude ou d'iode, était surtout composé de laminaires. Dans le Cap Sizun, cette pratique prend fin vers le milieu des années 1950. 

Toutefois, des photographies aériennes de 1963 attestent de la persistance de l'exploitation du goémon sur cette partie de la côte de Plouhinec.

Cerclé de rouge (A), le site en question. Encadrés de rouge (B), il s'agit très probablement de petits tas de goémon. Cerclé de rouge (C), un ancien four à goémon toujours présent actuellement. Photographie IGN du 7 mai 1963. Source: remonterletemps.ign.fr

Plus à l'Ouest et plus proches de la plage de Kersiny, d'autres traces de l'exploitation du goémon. Cerclé de rouge (D), un autre four à goémon. Juste à côté de ce four, ce qui est vraisemblablement du goémon étalé sur la dune pour sécher (E).  D'autres tas de goémon sans doute après séchage (F). Même source que ci-dessus.

En 1963, année de prise de ces photos aériennes, le goémon récolté sur la côte, comme celui que l'on voit sur ces photos, n'était pas brûlé pour en extraire la soude ou l'iode, mais il était livré aux industries pharmaceutique, cosmétique et agroalimentaire. Il s'agit du petit goémon, ou lichen carragahen (appelé localement bezhin bihan). Récolté par des particuliers, notamment des enfants et des adolescents, il était récupéré par des collecteurs (à Plouhinec, la famille Loussouarn).

Pendant la deuxième guerre mondiale, ce site est utilisé par l'armée allemande. Dans son ouvrage sur Plouhinec autrefois, Jean-Jacques Doaré nous dit:

«Entre les plages de Kersiny et de Mesperleuc, un poste de surveillance (une mitrailleuse) est implanté au bas de la dune de Penn ar Men, à l'ouest de l'actuelle impasse Hent-ar-Lenn.
Les sentinelles qui y sont affectées (une demie_douzaine) s'installent à Kervran, fin novembre 1942, dans la maison Patriarche, alors inoccupée (aujourd'hui 4 impasse du Sable-Blanc); elle leur servira de cantonnement jusqu'au 5 août 1944.
» (Plouhinec autrefois. AS3P. Tome I. Page 320).

Image d'illustration sans rapport direct avec le site de Plouhinec. Tous droits réservés.

Ce poste de surveillance, sans doute très sommairement aménagé, complète les défenses de la côte en embrassant les plages de Kersiny, de Mesperleuc et de Gwendrez qui se trouvent sous les feux croisés des casemates de Karreg Leon et de Gwendrez.

Il se pourrait bien que les photographies aériennes de 1963 nous montrent un vestige de ce poste de surveillance allemand (il existe des photographies antérieures à celle de 1963 (1948, 1952 et 1961), mais leur résolution n'est pas suffisante pour discerner autant de détails que celle de 1963).

Sur ce plan large, on voit à la fois le site du poste de surveillance (cerclé de rouge) et la maison où s'étaient installés les soldats qui y étaient affectés (encadrée de rouge).  Photographie IGN du 7 mai 1963. Source: remonterletemps.ign.fr

Sur cette vue plus resserrée, on distingue, encadrée de rouge, une structure en creux qui pourrait avoir été une tranchée destinée à abriter et à cacher les soldats du poste de surveillance allemand.

Ce sont initialement des soldats du 894° régiment d'infanterie qui occupent ce poste en plus de la casemate de Karreg Leon, avant qu'en 1943, ils soient remplacés par des soldats du 800° bataillon nord-caucasien, anciens soldats de l'Armée rouge ralliés aux allemands, et qui ont laissé de très mauvais souvenirs, en particulier à la population du pays bigouden.

Selon certains témoins, ce site aurait été arasé et aplani au début des années 1980 pour y installer le poste de surveillance des plages pour les secouristes (il s'agissait alors d'une caravane), et la pièce métallique supportait le mât du drapeau vert, orange ou rouge indiquant l'état de la mer et l'autorisation, ou non, de se baigner. Compte tenu de la distance entre ce site et les accès aux deux plages, les secouristes avaient bien du mérite s'ils devaient porter assistance à un baigneur.

Sur cette carte postale de la plage de Kersiny, on aperçoit le site depuis lequel la baignade était surveillée.

Sur cette autre carte postale de la plage de Kersiny, on aperçoit le mât portant le drapeau, et à son pied le poste de surveillance.

Détail de carte postale précédente.

Après le déplacement du poste de surveillance sur la plage de Mesperleuc, le site restera en l'état jusqu'à récemment, les traces des occupations successives disparaissant progressivement sous la végétation et sous l'effet de l'érosion pour ce qui était sans doute une tranchée.

En 2021, la municipalité de Plouhinec profite de la situation privilégiée de ce site pour y implanter deux chaises longues permettant de contempler le panorama qui s'étend de la pointe de Lervily à celle du Souc'h.

Concernant l'exploitation du goémon dans le Cap Sizun, je vous invite à consulter le très riche et très documenté article qui lui est consacré sur le blog d'Hervé Thomas: Le goemon nourricier du Loch (1)

 

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Une épave devant Beg an Ty Garde

Publié le par DL

Ce 13 mars 2020, sur la plage de Sainte-Anne-la-Palud en Plonévez-Porzay (Finistère), quelque chose attire l'attention devant la pointe de Beg-an-Ty-Garde. 13 mars 2020.

C'est quelque chose que l'on n'avait pas encore remarqué lors de précédentes visites de ce secteur.

D'évidence, il s'agit des vestiges d'un bateau. 

Jusqu'alors, ils étaient restés invisibles, enfouis sous le sable. Les récentes grandes marées (coefficients 116 et 117 le 11 mars, 111 et 115 le 12 mars et 106 le 13 mars), combinées à d'assez fortes houles, ont emmené le sable au large, amaigrissant la plage.

Entre les deux extrémités de ce bateau, une partie est encore recouverte de sable, mais on voit qu'il s'agit d'une unité d'assez grandes dimensions. 

Dans un premier temps j'avais pris cette épave pour celle du Guy Mocquet. Je dois à l'obligeance de M. Yannick Bunel, qui  attiré mon attention sur cette erreur, d'avoir pu montrer dans un précédent article les restes de l'épave du Guy Mocquet (1). Qu'il en soit ici à nouveau remercié.​

L'identification de cette épave reste donc à faire.

Cerclée de rouge, la localisation de l'épave de Beg an Ty Garde. La croix rouge marque la localisation de l'épave du Guy Mocquet. Carte topographique IGN. Source: geoportail.gouv.fr

Tout comme le Guy Mocquet, ce bateau a donc fini sa carrière sur la plage de Sainte-Anne-la-Palud: vendu à un cultivateur pour qu'il en récupère le bois, il a été échoué à cet endroit par son patron pêcheur à l'occasion d'une grande marée. 

C'est une pratique courante jusqu'au milieu du 20° siècle. Les cultivateurs du Porzay, au fond de la baie de Douarnenez, s'approvisionnent ainsi en bois destiné, entre autres usages, à la cuisson des aliments des cochons. Dans l'anse toute proche de Kervijen en Plomodiern, on voit encore aujourd'hui les restes du Douarneniste, dundee construit en 1933 et désarmé en 1952 (2).


Quelques semaines plus tard, l'épave de Beg an Ty Garde avait disparu, de nouveau recouverte de sable. Elle est réapparue en janvier 2021 après un coup de houle et avec l'aide du ruisseau Le Lapic qui a sans doute contribué à en dégager l'extrémité et à évacuer le sable qui la recouvrait (voir la vidéo en fin d'article).

Depuis la publication de cet article, cette épave a été identifiée: il s'agit du Mont-Blanc, dundee mauritanien de 22,76 mètres, immatriculé DZ 3146. On peut consulter les informations de concernant sur le site bagoucozdz.fr:

 https://www.bagoucozdz.fr/fr/bateaux/mont-blanc-dz3146

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