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archeologie et histoire

Audierne: des remous dans le port de plaisance.

Publié le par DL

Non, "des remous dans le port de plaisance", ce n'est pas le titre d'un article de journal traitant de tensions entre plaisanciers et autorité portuaire.

Il y a parfois bel et bien des remous aquatiques dans le port de plaisance d'Audierne.

C'est le cas en cette fin d'après-midi du 16 juin 2020. Et ce n'est pas dû à la marée en train de descendre (petit coefficient de 46).

Ce qui provoque ces remous c'est l'écoulement d'un ruisseau, le Stiri (ou Stiry), ou plutôt de plusieurs ruisseaux, parce que Stiri est le pluriel de Steir. 

Il s'agit de ruisseaux qui prennent leur source à Kerivoas pour certains, à Kerbuzulic pour un autre, et qui confluent en un seul cours d'eau.

Sur cette carte de l'Institut Géographique National (IGN), on voit les ruisseaux qui descendent de Kerivoas et de Kerbuzulic, qui confluent et finissent par se jeter dans le port de plaisance. Sur le site de l'IGN, une fonction permet de mettre en évidence les cours d'eau, y compris dans leur parcours souterrain. Source: geoportail.gouv.fr

Donc, ce 16 juin 2020, le Stiri draine beaucoup d'eau comme on peut en juger à l'importance de ces remous.

C'est qu'en ce mois de juin 2020, dans la région, il a plu bien davantage que d'habitude. Ainsi, à Quimper, il est tombé 120,7 mm sur tout le mois, dont 42,4 mm le 10 juin, et 25,6 mm les 14 et 15 juin (source terre-net.fr). Il faut savoir que de 1998 à 2018, la moyenne des précipitations en juin à Quimper, n'est que de 34,7 mm (source fr.climate-date.org). Il est donc tombé trois fois plus d'eau que d'habitude ! Le constat est le même pour d'autres localités proches: Plovan, 47 mmm entre le 10 et le 11 juin (source terre-net.fr); Plogoff 145 mmm sur tout le mois de juin, avec un maximum de 57 mm sur une seule journée (source historique-meteo.net).

Les ruisseaux du Stiri alimentent des lavoirs au long de leur parcours. Le site patrimoine.region-bretagne.fr, en recense 7.

Ce "lavoir du Stiri" se trouve rue Ledru-Rollin.

Le ruisseau qui forme la branche de Kerbuzulic du Stiri prend sa source juste derrière ce lavoir.

Mais le site patrimoine.region-bretagne.fr ne mentionne pas le lavoir qui se trouvait dans l'angle des actuelles rues du 14 juillet et Marcelin Berthelot (respectivement "Chemin vicinal de Plogoff" et "Grande route de Quimper" sur le cadastre de 1837) et qui est aujourd'hui disparu.

 Sur cet extrait du cadastre de 1837 (Section B2 de la Ville), à l'angle de l'ancien "Chemin vicinal de Plogoff" et de l'ancienne "Grande route de Quimper", le lavoir en question, est figuré (cerclé de rouge). On distingue aussi, fléché de rouge et sous forme d'un léger trait bleuté, le tracé du ruisseau qui alimentait ce lavoir. Source: Archives départementales du Finistère.

Sur cette carte postale ancienne, on voit que ce même lavoir était couvert.

Les ruisseaux qui forment le Stiri, coulent le plus souvent à découvert pratiquement jusqu'à l'angle formé par les rues du 14 juillet et Marcelin Berthelot. Aujourd'hui, à partir de cet endroit, le Stiri est canalisé et circule sous la rue Victor Hugo et sous la place de la Liberté avant de se jeter dans le port. Mais ça n'a pas toujours été le cas.

Sur ce "Plan du port d'Audierne" levé en 1818, le ruisseau, ici surligné en jaune", semble circuler à découvert vraisemblablement depuis le grand lavoir et jusqu'au port. Source: gallica.bnf.fr

Sur cet autre extrait du cadastre de 1837, prolongement du précédent, on distingue aussi le tracé bleuté du ruisseau, mis en évidence par un fléchage rouge. Il circule donc encore à découvert sur cette partie, puis il disparaît sous terre au niveau de ce qui est maintenant la rue Gambetta, avant de ressurgir après le début de la rue de la Côte Cléden (aujourd'hui rue Guesno). Source: Archives départementales du Finistère.

Sur ce dernier extrait du cadastre de 1837, on distingue encore le cours du ruisseau qui circule en ligne droite, toujours à découvert, en longeant la place du marché d'alors, jusqu'à un point ici cerclé de rouge (de quoi s'agit-il ?). Il termine sa course en passant sous le Grand quai pour se jeter dans le port. Même source que ci-dessus. 

Malheureusement, on ne dispose pas d'un plan d'Audierne antérieur à ceux de 1818 et 1837. Toutefois, les archives nous apprennent qu'avant cette date le ruisseau faisait parfois parler de lui.

Dans une lettre adressée par la municipalité d'Audierne au Directoire de Quimper, le 27 messidor an II (15/7/1794), on lit : 

« Vous aurez sûrement déjà été instruits des dégâts affreux éprouvés par notre commune par l’orage que nous avons essuyé ici, dans la nuit du 23 au 24 courant.
Les eaux ont été d’une telle force qu’elles ont emporté en grande partie le seul lavoir de cette commune, enlevé un pont, unique passage pour les charrettes qui transportent le bois au fournier, qui fait cuire le pain à la troupe et à la ville et qui empêche enfin tout transport du reste de la commune avec la partie dite de la Côte Cléden …
» (Cité par 
Amédée GUIARD, Alain BOSSER, Paul CORNEC dans "Les vieux quartiers d'Audierne" sur le site https://audierne.info/).

Nul doute que c'est bien le Stiri qui a provoqué ces dégâts.

C'est peut-être encore de ce ruisseau qu'il est question dans le rapport que fait l'agent-voyer cantonal sur la situation hygiénique de la ville lors de l'épidémie de choléra qui sévit dans le Finistère en 1885-1886.

Le début du dernier paragraphe ci-dessus est intéressant. Parmi les ruisseaux qui y sont évoqués et où seraient déposées des "matières", y aurait-il le Stiri ? Le "bassin" dont il est question est évidemment celui du port, et "l'égout collecteur" pourrait bien être le tronçon final de l'aqueduc qui reçoit alors les eaux de notre ruisseau enfin devenu souterrain.

Après l'épisode de 1794, s'est-on mis à l'abri de nouveaux dégâts ? Apparemment pas jusqu'en 2012 quand la commune charge la Communauté de communes de prendre des mesures. Le Télégramme, dans sa livraison du 17 février 2012, rapporte:

Stiri. Prévenir les risques d'inondation.

Une opération de nettoyage est en cours à l'arrière du terrain de pétanque de Kersudal. Confiée au chantier environnement de la Communauté de communes, c'est la première étape d'un projet lancé par la ville. Le but est d'éviter les inondations qui affectent notamment des maisons bordant la rue du 14-Juillet, dès que les précipitations sont fortes. La solution est de maîtriser les flux en amont.

Vallée verte au Stiri

La mairie va acquérir la parcelle en cours de nettoyage, qui se prête parfaitement à la création d'un bassin d'orage. Ce dispositif s'intégrera dans un projet de vallée verte au Stiri, avec la régulation des deux ruisseaux qui ont donné leur nom à la vallée (qui est aussi connue sous le nom de vallée des lavoirs). L'aménagement concernera ensuite la partie située au niveau de la marbrerie, et la zone de l'ancienne glacière. Il devrait entrer dans l'appel à projets du conseil général, tout en s'intégrant dans le volet développement durable du Scot (schéma de cohérence territoriale).

Les élus sur le site de Keresudal, en cours de nettoyage par le chantier d'environnement intercommunal. Photo Le Télégramme. Tous droits réservés.

Malheureusement, ces travaux n'auront pas suffi. Dans son édition du 1er janvier 2014, Ouest-France constate:

Le Cap-Sizun goûte aux intempéries en ce premier de l'an.

À Audierne, le bas de la rue du 14 Juillet a été une nouvelle fois touché par des inondations mercredi. Un problème récurrent pour les riverains très en colère. La création d'un bassin de rétention d'eau en amont pourrait éviter le ruissellement d'eau du parking qui gonfle le ruisseau du Stiry et le fait déborder. Pompiers d'Audierne, premier adjoint au maire et adjoint aux travaux se sont également rendus sur place. Les quais Jean-Jaurès ont été fermés à la circulation mercredi, dès 16 h. Rouverte vers 18 h, la route restait toutefois coupée en direction de Sainte-Evette. Dans l'après midi, une enfant de 9 ans a chuté sur la voie publique. Les pompiers l'ont conduite à l'hôpital pour examen.

A Audierne, rue du 14 juillet, les pompiers sont intervenus pour des caves inondées. Photo Ouest France. Tous droits réservés.

Et l'on a non seulement un problème récurrent d'inondation dans la vallée du Stiri, mais ils se complique de pollutions dues à des fuites du réseau d'assainissement, comme le rappelle une mise en demeure, par le préfet du Finistère, en date de juin 2018:

Extrait de l'arrêté préfectoral n° 2018171-0001 du 20 juin 2018

Cette question est encore débattue lors de la séance ordinaire du conseil municipal du 18 février 2020.

En guise de conclusion, voici une photo de la buse qui déverse l'eau du Stiri dans le port de plaisance, prise à marée basse le 27 juillet 2020.

Liens:

Les lavoirs et fontaines d'Audierne et Esquibien

Les vieux quartiers d'Audierne sur audierne.info

Article du Télégramme du 17 février 2012

Article de Ouest France du 1er janvier 2014

Arrêté préfectoral du 20 juin 2018

Compte-rendu de séance du conseil municipal d'Audierne du 18 février 2020

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Une épave sur la plage de Ty an Quer en Ploéven

Publié le par DL

Sur la plage de Ty an Quer, en Ploéven (Finistère), un démaigrissement de la plage, à proximité de l'île Salgren, a mis au jour les vestiges d'une épave. 19 novembre 2019.

La croix rouge marque la localisation approximative de l'épave de la plage de Ty an Quer. Source: geoportail.gouv.fr

Même si elle a surtout touché le Sud-Ouest du pays et n'a provoqué qu'un fort coup de vent dans le Finistère (rafales à 90 et  100 km/h), c'est sans doute la tempête Amélie de début novembre 2019 qui a provoqué l'évacuation au large du sable de la plage.

Il a déjà été question sur ce blog des vestiges de deux autres épaves réapparaissant occasionnellement sur les plages du fond de la baie de Douarnenez.

Cliquer sur ceci:

Une épave dans l'anse de Kervijen: le Douarnenniste.

Et sur ceci:

Quand le Guy Moquet reparaît

Il s'agit de bateaux de pêche en fin de vie que leurs propriétaires vendaient à des cultivateurs du Porzay pour que ceux-ci récupèrent le bois afin de le brûler, notamment pour cuire la nourriture des porcs qu'ils élevaient.  

Les conditions météo de l'hiver 2019-2020 n'ont fait que dégager un peu plus les restes du bateau de la plage de Ty an Quer. 19 janvier 2020.

Si on a pu identifier les restes des épaves de Sainte-Anne-la-Palud (Guy Moquet) et de Plomodiern (Douarneniste), quel est donc le nom du bateau de Ploéven ? Les sites Internet très documentés bagoucozdz.fr et arbbor.free.fr qui traitent des bateaux immatriculés à Douarnenez, évoquent la fin de certains d'entre eux sur les plages de la baie.

Mais quelques mentions sont trop vagues pour que l'on puisse les attribuer à cette épave. Est-ce le "Belle-Bretagne", dundee (DZ3139), dont on nous dit qu'il est dépecé en 1961 au fond de la baie de Douarnenez (arbbor.free), ou que, désarmé le 20/12/1959 et échoué du côté de Sainte-Anne-la-Palud (Pors Ar Vag, 16/08/1960) il est dépecé en 1961 (bagoucozdz) [en fait, Pors Ar Vag se trouve en Plomodiern NDLR] ? Est-ce le "Mont-Blanc", dundee (DZ3146), dont on nous dit qu'il a été dépecé en fond de baie, sur la plage de Sainte Anne la Palud, en 1953 (bagoucozdz)? Est-ce un autre bateau dont les modalités de fin de vie n'ont pas été répertoriées ?

 

Liens:

Tempête Amélie

Site Internet bagoucozdz

Site Internet arbbor.free

 

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Les antennes de la pointe de Brézellec

Publié le par DL

Sur la pointe de Brézellec en Cléden-Cap-Sizun (Finistère), un groupe d'antennes surprend le randonneur qui parcourt le sentier côtier. 

Elles sont 4, maintenues par des haubans et disposées en rectangle.

Un panneau met en garde: "RAYONNEMENT ELECTROMAGNETIQUE / DANGER / DEFENSE D'ENTRER ".

Plusieurs centaines de mètres plus loin, un alignement d'autres antennes du même genre. Elles sont 16 et d'évidence, elles sont en rapport avec les 4 premières.

C'est étrange, le site où se trouvent les 4 premières antennes semble être à l'abandon (poteaux de clôture ayant supporté des barbelés, grillage effondré, friche), mais il y a quand même des équipements apparemment assez récents.

Ces antennes constituent un système de radar. Les 4 antennes disposées en rectangle servent à l'émission des ondes, et les 16 antennes alignées servent à la réception des ondes en retour. Les ondes émises sont de faible puissance (30 watts) et d'une fréquence de 12 Mhz.

Ce système radar (WERA ou Wellen Radar), d'origine allemande, est destiné à mesurer les courants en mer d'Iroise. Une installation similaire se trouve à la pointe de Garchine sur la commune de Porspoder, au Nord-Ouest de Brest.

Les pointes de Garchine et de Brézellec. Fond de carte: geoportail.gouv.fr

La mise en place de ces installations répond au besoin d'établir des prévisions de dérive d'hydrocarbures, de personnes, de bateaux ou d'objets divers en mer d'Iroise, particulièrement fréquentée et dangereuse.

Un premier modèle de prévision est mis au point en 1994 par la division Marine et Océanographie de Météo-France pour réagir aux pollutions par hydrocarbures: MOTHY (pour Modèle Océanique de Transport d'Hydrocarbures). En 1998, le système est étendu aux objets flottants (conteneurs, citernes, voiliers, homme à la mer, etc.). Lors d'une opération de recherche et de sauvetage, les Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) peuvent demander une prévision de dérive qui les aidera à établir une zone de recherche. 

C'est en 2004 que la pointe de Brézellec est pressentie pour l'établissement d'un radar WERA. La Marine Nationale y possède un terrain, concédé pendant quelques temps aux Phares et balises pour une station de radio-navigation. 

En 2006 la société Actimar fournit un système de télédétection composé de deux radars Hautes Fréquences au Service Hydrologique et Océanographique de la Marine (SHOM).

Sur cette photographie aérienne du 12 août 1966, le site du terrain de la Marine Nationale. Source: remonterletemps.ign.fr

Compte tenu des dimensions de l'installation du radar de la pointe de Brézellec, la superficie du terrain de la Marine Nationale est insuffisante et une partie des antennes de réception doit être établie sur des terrains privés.

Schéma de principe de l'implantation du radar. Source: Florian Delrieu / Apport des données de radar HF pour la prévision de dérive en mer / Rapport de stage 2010-2011

Comment fonctionnent les radars de la pointe de Garniche et de la pointe de Brézellec ? Les 4 antennes disposées en rectangle émettent des ondes électromagnétiques en direction de la mer. Ces ondes sont réfléchies par l'eau et leur écho, modifié en fonction de l'état de la mer, est capté par les 16 antennes alignées. Bien que cet écho soit très faible, le radar détecte les caractéristiques des vagues qui l'ont modifié.

Les radars sont configurés pour une portée de 150 km et une résolution de 1.5 km, et ils fournissent des observations toutes les ~10 minutes. La donnée visualisée est traitée, filtrée et mise à jour quotidiennement (informations communiquées par le SHOM Service Hydrologique et Océanographique de la Marine).

Image produite à partir des données des radars HF des pointes de Garniche et de Brézellec, le 8 septembre 2020 à 15h30. Source data.shom.fr. 

La prévision de dérive est calculée à partir des caractéristiques de l'écho recueilli et en tenant compte de différents paramètres influant sur l'état de la mer: la bathymétrie (profondeur de la mer), les données de marée, le vent, les courants (dus au vent et dus aux marées). Pour accéder à ces données, cliquer sur ceci: SHOM

Sur le site de Brézellec, comme on le voit sur les photos qui précèdent, cette installation est réduite à sa plus simple expression. Outre les 20 antennes émettrices et réceptrices, il n'y a que ce qui semble être un transformateur et une armoire électriques, et un petit local, grand comme un placard où sont vraisemblablement regroupés divers équipements. 

Pourtant, ce site comporta des constructions plus conséquentes à l'époque où la Marine Nationale puis les Phares et Balises l'occupaient, comme en témoignent les photos qui suivent, que je dois à l'obligeance de Daniel Tiefenbach (voir, en fin d'article, le lien vers la page de son blog consacrée à ce site). 

Liens:

Le blog de Daniel Tiefenbach

Le rapport de stage de Florian Delrieu

Le rapport de stage de Nicolas Marchalot

Un article du Télégramme de 2004

Un article du Télégramme de 2005

D'autres photos du site au temps de la Marine Nationale

 

 

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Le moulin de Kervily, au péril de la mer

Publié le par DL

A Penmarc'h (Finistère), entre le port de Kérity et le phare d'Eckmühl à Saint-Pierre, on ne peut manquer les vestiges d'un ancien moulin à vent.

Tout près, un panneau de rue nous dévoile son nom: "Banell Meilh Kervili" (en français "Venelle du moulin de Kervily). Kervily est, à l'origine, un des nombreux villages dépendant de Penmarc'h, comme Saint-Pierre, Saint-Guénolé ou Kérity, tout proche. Aujourd'hui moins connu que ce dernier, il n'est parfois considéré que comme son faubourg.

Position du moulin de Kervily (cerclée de rouge). Carte de l'Institut géographique national. Source: geoportail.gouv.fr

A priori, trouver un ancien moulin à vent à cet endroit n'a rien de particulièrement extraordinaire. Pourtant, à bien y réfléchir, cette localisation est quelque peu surprenante. En effet, d'une part les moulins à vent sont généralement implantés sur des points élevés et celui-ci est seulement à une altitude de 4 mètres (altitude mesurée par rapport au niveau de la mer dans le cadre du Nivellement Général de La France ou NGF. Le niveau 0 de la mer est celui déterminé pour la Méditerranée par le marégraphe de Marseille. Il ne tient pas compte de l'importance des marnages en Atlantique). D'autre part, le moulin de Kervily a été bâti vraiment très près de la mer puisque, aujourd'hui, il est à moins de 20 mètres du point atteint par la pleine mer lors des grandes marées. 

Photo aérienne. Source Institut Géographique Nationale / geoportail.gouv.fr

On peut donc se demander pourquoi on a choisi d'établir un moulin dans un endroit aussi exposé au risque de submersion marine. C'est peut-être parce que, à l'époque de sa construction, cette pointe Sud-Ouest de Penmarc'h se trouvait très isolée du reste de la paroisse, en particulier du bourg, et que les autres moulins, quoi que bâtis sur des points plus élevés, étaient jugés trop éloignés pour les habitants des villages autour de Saint-Pierre et de Kérity.

En 1925, dans "Penmarc'h - Son histoire - Ses monuments" F. Quiniou, ancien recteur de Penmarc'h fait le constat de cette situation particulière.

Comme on peut le voir sur l'extrait de la carte de Cassini ci-dessous, à la fin du 18° siècle, une grande partie du territoire de Penmarc'h était alors couverte de marais et de paluds, rendant difficile la circulation d'un village à l'autre.

Sur cet extrait de la carte dite de Cassini, levée en 1783, le moulin de Kervily est figuré (cerclé de rouge), ainsi que 5 autres moulins de Penmarc'h (cerclés de jaune) situés plus loin de la mer et sur des secteurs sensiblement plus élevés. Source: logiciel de cartes géographiques anciennes CDIP.

Détail de la carte ci-dessus.

A quand remonte la construction de ce moulin de Kervily ? Jusqu'à présent, les archives consultées ne l'ont pas explicitement révélé. Les traces les plus anciennes de son existence sont sa représentation sur des cartes marines publiées dans les années 1770.

 Sur cette carte marine de la "Côte de Penmarch", publiée en 1770, si deux moulins sont représentés à Kerity, ainsi que le "moulin Goalic", celui de Kervily ne l'est pas. S'il avait existé lors de la levée de cette carte, le cartographe n'aurait sans doute pas manqué de le faire figurer (le cercle rouge marque sa localisation actuelle). Source: gallica.bnf.fr

La figuration de moulins sur les cartes marines n'a rien d'étonnant puisque, à l'instar d'un clocher d'église, ils servaient d'amer aux navigateurs.

Sur cette carte de la "Pointe de Penmarch", publiée en 1771-1785, le moulin de "Kervilly" est représenté sous la dénomination "Min ar Not". 3 autres moulins sont représentés ("Min  de Boloré", "Min Talarou" et un "Min Ruiné"). Source: gallica.bnf.fr

Ainsi, le moulin de Kervily est appelé "Moulin ar Not" par le cartographe. D'où vient ce nom ? Est-ce celui de son propriétaire, comme c'est sans doute le cas pour le "Moulin Boloré" ? Cela a-t-il une autre signification ? On peut imaginer qu'il s'agit d'une abréviation de "ar Noter", pour "moulin du notaire" (un moulin, équipement assez coûteux, pourrait avoir été bâti pour le compte d'un notaire royal, personnage souvent aisé, voire fortuné).

Mais une autre explication serait plus logique: le moulin de de Kervily pourrait porter le nom de son propriétaire ou de son meunier, comme c'est vraisemblablement le cas pour le "moulin de Boloré" (en effet, selon le site Internet  de généalogie Geneanet.org, un Joseph Bolloré (1672-1739) et son fils Pierre Bolloré (1706-1756), mentionnés dans les registres de baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse, ont été meuniers à Penmarc'h. De même, le "moulin Goalic", figurant sur la carte de la côte de Penmarc'h qui précède, tient certainement son nom d'une famille Goalic présente à Penmarc'h au 18° siècle). 

Pour le "moulin ar Not", on pourrait donc être en présence d'un patronyme "ar Not" ou plus probablement Arnot. Si les archives et sites Internet consultés n'ont pas permis de trouver ce patronyme à Penmarc'h, il est néanmoins courant dans le Finistère (Porspoder, Lanildut, Plouyé, Trévarn), fréquent dans le Morbihan et présent dans les côtes d'Armor. Certains meuniers étaient très mobiles et passaient souvent d'un moulin à l'autre, et si un certain Arnot a exercé à Kervily, pendant la durée de sa présence, il peut n'avoir pas été mentionné dans les registres paroissiaux, source essentielle des sites de généalogie.

Trois moulins à Penmarc'h sur la "Carte generale des costes de Bretagne, comme elles paroissent de mer basse dans les plus grandes marées", publication en 1773. Source: gallica.bnf.fr

Si les dates de publication des cartes marines sont fiables, on peut en déduire que le moulin de Kervily a été bâti entre 1770 (carte de la "Côte de Penmarch" plus haut) et 1773 (carte ci-dessus).

Extrait de la carte marine "Plan des roches de Penmarc'h. Levé en 1818. Pilote français (Environs de Brest)". Source: gallica.bnf.fr

Le moulin de Kervily avait donc été bâti en un lieu susceptible de subir des submersions marines. Et ce n'est pas une simple vue de l'esprit. A de multiples reprises, les villages proches du littoral de Penmarc'h, comme Saint-Guénolé, Saint-Pierre et Kérity ont été envahis par la mer en furie.

C'est d'ailleurs une des préoccupations majeures exprimées par la population dans les cahiers de doléances de la paroisse de Tréoultré-Penmarc'h rédigés en avril 1789.

Extraits du cahier de doléances du Tiers-Etat de la paroisse de Tréoultré-Penmarc'h: "... En 1615 Tréoultré-Penmark étoit une des plus riches paroisses du canton. Le commerce et la pêcherie qu'on y faisoit alors, étoient très considérables. Depuis cette époque la mer a gagné les plages voisines et une partie des terres ensemencées [...] Leur unique ressource est la moisson, souvent dévastée par les inondations de la mer, ou débordement des marais, les terres labourables étant de niveau ... "  Source: archives.finistere.fr

On le voit, les inondations, les submersions marines étaient donc habituelles à Penmarc'h, et si ces terribles épisodes ne sont bien documentés qu'à partir du 19°siècle, comme on le verra plus bas, il n'est pas douteux qu'ils devaient aussi se succéder dans les siècles précédents, même s'ils n'ont laissé que peu de traces dans les archives. Le moulin de Kervily, situé en première ligne, face à la mer, a donc certainement subi ces inondations à de nombreuses reprises.

Le moulin de Kervily en 1920. Cliché de Georges Chevalier.
Source: Musée Albert-Kahn / Département des Hauts-de-Seine [collections.albert-kahn.hauts-de-seine.fr] N° d'inventaire A 20 244 S / Collection Archives de la Planète. Licence "Archives de la Planète"

Sur la photographie qui précède, datée de 1920, on aperçoit le muret de pierres qui entoure le moulin. A droite, on voit les rochers dénudés que devaient atteindre les plus grandes marées. Bien qu'on ne la voie pas sur ce cliché, la proximité de la mer est attestée par la présence, au premier plan, de ce canot tiré au sec sur le sable.

          Photo aérienne du 01/01/1923, c'est-à-dire presque contemporaine de la photo qui précède. On retrouve le muret de pierres en forme de goutte entourant le moulin. IGN (Institut géographique national). Source: remonterletemps.ign.fr

Détail de la photo aérienne précédente. On distingue les ailes du moulin côté Ouest, et le timon côté Est. Entre le moulin et les rochers de la côte, les petites taches sombres sont vraisemblablement des tas de goëmon mis à sécher sur le sable.

Les épisodes d'inondation, de submersion marine à Penmarc'h sont assez bien documentés depuis le 19° siècle:  
- 1867: Submersion marine au niveau du site de la Joie avec inondation de la plaine comprise entre St-Guénolé, Kérity et Penmarc’h.
- 4/12/1896 : Submersion de 38 hectares entre Kérity et Saint-Guénolé, jusqu’au marais de Lescors. Le mur qui protégeait le sémaphore fut détruit sur plusieurs dizaines de mètres et une brèche apparut au droit de Kérity.
- 12/02/1899 : La tempête produisit de nombreux ravages, dont le plus marquant fut la démolition du mur de quai de Kérity par le raz de marée.
- 02/02/1904: Plus d’un tiers de la commune fut recouvert par les eaux et la plupart des maisons furent inondées. A Kérity, le môle fut endommagé et sa plateforme fut en partie enlevée. A Saint-Pierre, les dunes furent complètement rasées.
- 04/02/1912: La mer inonda Saint-Pierre et Saint-Guénolé.
- 30/10/1913: Submersion d’une partie de Penmarc’h (St-Pierre et St-Guénolé). Au niveau de Kérity, le mur de protection subit un affouillement et la dune à l’Est de ce mur fut érodée.
- 13/12/1915: Saint-Pierre et Saint-Guénolé furent soumis à de nouvelles submersions.

Sources: "Atlas des submersions marines de l'estuaire de la Loire / Liste des événements historiques ayant touché la côte Atlantique à proximité du secteur d'étude / ARTELIA 2013" et "Plan de prévention des risques naturels littoraux . Département du Finistère / Préfecture du Finistère 2015".

Pour le détail des dégâts dus aux submersions marines à Penmarc'h de décembre 1896, février 1904 et janvier 1924, on se reportera avec beaucoup de profit au site KBCPENMARC'H fort bien documenté et illustré (cliquer sur ces liens): 

KBCPENMARCH: Le raz de marée du 4 décembre 1896

KBCPENMARCH: Le raz de marée du 2 au 3 février 1904

KBCPENMARCH: Le raz de marée du 8 au 9 janvier 1924

Tout comme on ignore la date précise de construction du moulin de Kervily, on ne sait pas jusqu'à quelle date il a fonctionné. 

Le moulin de Kervily. Auteur: Philippe Tassier. Vue prise lors d'un voyage en Bretagne entre 1908 et 1912. Au pied du moulin, et au tout premier plan, des tas de goëmon ou mulons. Collection Musée de Bretagne. 

Sur la photo qui précède, la couverture du moulin semble être en chaume, peut-être en roseaux, ressource gratuite et particulièrement abondante dans les marais de Penmarc'h. On voit aussi, à l'arrière du moulin, le timon (aussi appelé "queue de moulin"), avec lequel le meunier faisait pivoter l'ensemble de la toiture et les ailes pour orienter celles-ci face au vent.

Sur cette carte postale, malheureusement non datée, les ailes du moulin sont équipées de leurs toiles. A niveau de la couverture, à l'endroit où le timon est fixé à la toiture, le chaume semble en mauvais état. L'aspect de face plane plus claire d'une partie de la maçonnerie est une illusion d'optique: la différence de couleur est vraisemblablement dû à l'écoulement de l'eau de pluie qui a "nettoyé" une partie du mur.

On pouvait accéder à l'intérieur du moulin par deux portes diamétralement opposées, l'une ouvrant au Nord et l'autre au Sud, de façon à pouvoir entrer ou sortir y compris quand les ailes tournaient devant l'une d'elles.

Pour défendre la côte des intrusions marines entre Saint-Pierre et Kérity, des protections sont construites, à la fois sur terre et en mer, dès le 19° siècle et jusqu'au 21° siècle:

- 1872 construction du môle-abri du port de Kérity et d'un mur de défense de part et d'autre de celui-ci;

- 1882 enrochement le long du chemin du Gorret;

- 1930 mur de défense au Nord et au Sud du phare d'Eckmühl et mur du Goret vers Kérity;

- 1934-1935 construction du brise-lame de Kérity;

- 1939 mur de Kervily;

- 1970 mur de Kérity à l'Ouest du port vers le mur de Kervily;

- 1988 mur de défense entre le Goret et Kervily

(source: Plan de Prévention des Risques Naturels Littoraux, département du Finistère, 2015).

Sur cette photographie aérienne du 28/04/1954, le moulin de Kervily a perdu sa couverture, ses ailes et son timon. On voit les murs de défense contre la mer construits en 1939. Source: remonterletemps.ign.fr

Malgré ces murs de défense, la situation du moulin de Kervily et des maisons construites dans ce quartier reste précaire face au déchaînement de la mer, comme on peut le voir sur ces images extraites d'une vidéo réalisée lors de la tempête du 1er février 2014 (coefficients de marée supérieurs à 110). Avec l'aimable autorisation du vidéaste, Bigoudenn29000 (Voir la vidéo complète en fin de cet article).

Sur ces images, on voit les vagues passer par-dessus le mur de défense. On peut imaginer ce qui se serait passé, ce 1er février 2014, sans ce mur qui se trouve pourtant submergé par des vagues somme toute pas très spectaculaires. On peut surtout imaginer ce qui s'est passé lors des tempêtes de 1896, 1904 et 1924.

Aujourd'hui, le moulin de Kervily menace ruine. Ne serait-il pas paradoxal que la négligence des hommes laisse maintenant disparaître un patrimoine, témoin de la vie de ceux qui nous ont précédés, précieux témoin que la furie des éléments n'a pas  encore réussi à détruire en 250 ans d'existence ?

Photos Jean-Louis Guegaden.

Vidéo de l'intérieur du moulin de Kervily filmé par Jean-Louis Guegaden que je remercie vivement:

Vidéo de la tempête du 1er février 2014 (Bigouden29000 que je remercie de son aimable autorisation):

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Les quatre ponts d'Audierne

Publié le par DL

A Audierne, à l'extrémité du pont qui relie la commune à celle de Plouhinec, un massif de maçonnerie attire mon attention.

Il jouxte la culée du pont qui le recouvre en partie et il supporte une sorte d'anneau métallique et ce qui semble être l'axe de celui-ci.

Il s'agit d'un vestige d'un précédent pont.

C'est qu'entre Audierne et Plouhinec, le pont actuel n'est pas le premier, loin s'en faut.

[L'essentiel des informations chronologiques et des renseignements techniques qui suivent émanent du tome I de l'ouvrage de Jean-Jacques Doaré "Plouhinec autrefois".]

Le besoin d'une communication entre les deux rives du Goyen au niveau d'Audierne et Plouhinec est ancien et constant. Depuis longtemps, il a été partiellement satisfait par l'existence d'un "passage d'eau", c'est-à-dire d'un bac.

Le premier bac, sous la protection de saint Julien l'Hospitalier (ou saint Julien le Passeur) dont la chapelle domine la rive gauche de la rivière à Poulgoazec, assurait le passage entre la vieille cale de Poulgoazec et Pen ar C'hall Cam (la cale boîteuse), un peu en dessous de l'endroit où sera construit l'abri du marin d'Audierne. Protection de saint Julien pas toujours efficace, puisqu'en 1725, au retour d'un pardon à la chapelle Saint-Tugen en Primelin, 52 personnes se noient lors de la traversée. 

Le second bac sera établi plus en amont, entre Beg ar Chap à Plouhinec (un peu au Nord de Pen ar Marc'had) et le Stum à Audierne. L'endroit est beaucoup moins dangereux par gros temps. Les cales sur les deux rives du Goyen une fois achevées (25 décembre 1846), le bac entre en fonction dans les jours suivants.

Localisation des deux bacs successifs entre Plouhinec et Audierne. Plan du port d'Audierne levé en 1818. Le Pilote français. Source: gallica.bnf.fr

Mais un bac, outre qu'il est payant, s'il facilite le passage des piétons, ne permet le transport que de quantités limitées de marchandises. Et pour transporter par voie terrestre des charges importantes de Plouhinec à Audierne et inversement, il faut rallier Pont-Croix et passer le pont de Keridreuff. Ce détour représente plus de 10 kilomètres alors que, par endroits, le Goyen ne constitue qu'un obstacle de moins de 200 mètres entre les deux localités. Les échanges entre le Cap Sizun et le Cap Caval qui tendent à s'accroître, n'en sont pas facilités.

Carte d'état-major (1820-1866). A l'époque, l'extrémité de la Route Nationale n° 165, côté Audierne, et celle du chemin de Grande Communication n° 1, côté Plouhinec, se font face de part et d'autre du Goyen, et seul un bac assure la liaison. Source:  geoportail.gouv.fr 

Détail de la carte d'état-major.

Alors que le réseau des voies de communication s'améliore entre Quimper et Audierne et entre Audierne et la pointe du Raz, à Plouhinec, le chemin de Grande Communication n° 1 (actuelle D784 ou rue de Loquéran) se heurte toujours à l'obstacle du Goyen.

Le premier pont.

Depuis le premier tiers du 19° siècle, des études, des rapports, des échanges entre les municipalités et les administrations centrales se succèdent pour envisager de pallier à cet inconvénient. Ce n'est qu'en mai 1854 qu'un décret impérial déclare d'utilité publique les travaux de construction d'un pont entre Audierne et Plouhinec. Il sera implanté à l'endroit retenu pour le bac en 1846.

La construction du pont est achevée à la mi-mai 1856 et il entre en fonction le 24 juillet.

"Pont sur la rivière de Pont-Croix". Photographie de Jules Duclos. En arrière plan, l'anse du Stum et l'usine Delécluse. Source: gallica.bnf.fr

C'est un pont de quatre travées fixes de 18 mètres d'ouverture et d'une travée mobile centrale de 10 mètres d'ouverture. Cette travée mobile permet le passage des navires devant remonter le Goyen jusqu'à Pont-Croix. L'ensemble des cinq travées repose sur 4 piles en maçonnerie dans le lit de la rivière et 2 culées qui s'appuient sur ses rives.

La particularité de ce pont est que la travée mobile se compose en fait de deux ponts-levis se faisant face et permettant de relever deux volées de 5 mètres.

Détail de la photo précédente.

Un contrepoids en granit placé à l'extrémité de chaque balancier fait équilibre à 50 kg près aux volées de 5 mètres. 

Pour les travées fixes, des fermes en fer sont fixées sur les piles et les culées, et supportent des poutrelles en chêne sur lesquelles est posé le plancher de la chaussée. La largeur du pont est de 3,70 mètres (chaussée de 2 mètres et trottoirs de 0,85 mètre), réduite à 3 mètres pour la travée mobile. Un garde-corps court tout au long du pont.

C'est un pont à péage que l'on acquitte côté Audierne, dans une maison construite à l'origine pour le passeur du bac (le péage sera toutefois supprimé en 1868).

Une tempête survenue moins d'un mois après sa mise en service rend le pont inutilisable. Après réparation, d'autres incidents émaillent son existence, notamment en 1873, et son état général se dégrade, rendant son utilisation dangereuse. La circulation y est interdite en décembre 1881 pour entreprendre sa démolition et des travaux de reconstruction. Pendant la durée des travaux un petit bac est rétabli pour permettre le « transport des piétons, du menu bétail et des marchandises de moyen poids », le reste du trafic devant passer par Pont-Croix.

Le deuxième pont.

Il a été décidé de conserver les quatre piles existantes et les deux culées. Mais la nouvelle ossature est en fer renforcé et le plancher est remplacé par une chaussée reposant sur des voussettes en briques et ciment, recouvertes de béton et d'un empierrement. Après avoir envisagé de remplacer le système de ponts-levis par un pont tournant qui aurait nécessité de démolir une pile existant et d'en construire une autre, on décide de conserver l'ancienne formule à deux volées qui se relèvent, mais en l'améliorant: chaîne sans fin, roue dentée, pignon. 

Le 2ème pont vu depuis la rive de Plouhinec du Goyen.

Les fermes porteuses de chaque travée fixe sont renforcées par des arcs en treillis de poutrelles qui contribuent à la rigidité de l'ensemble.

Bien que ses quatre piles et ses deux culées soient celles de son prédécesseur, on peut considérer qu'il s'agit bel et bien d'un nouveau pont.

Il est ouvert à la circulation le 15 décembre 1882. Il sera rapidement surnommé "le pont métallique".

Le nouveau pont vu d'Audierne. On distingue la travée mobile entre les travées fixes.

La travée mobile composée de deux volées qui peuvent se relever. (Détail de la carte postale précédente)

En dépit de quelques incidents, le nouveau pont favorise le trafic routier.

Si le trafic maritime entre Audierne et Pont-Croix a beaucoup diminué, il demeure néanmoins nécessaire, ne serait-ce que pour approvisionner l'usine d'iode des frères de Lécluse au Stum ou celle de Pierre Schang à Keridreuff au fond de la ria.

Les ponts-levis sont ouverts pour laisser passer ce sloop qui se rend à Pont-Croix.

Tout supérieur qu'il soit par certains points au premier pont, le deuxième n'en subit pas moins l'outrage des ans. Notamment, un incident qui survient sur la travée mobile en 1922, interdit le passage des navires au grand mécontentement de marins qui restent bloqués en amont du pont. 

Des navires passent la travée mobile du deuxième pont.

Par ailleurs, depuis 1882, date de sa mise en service, les conditions de trafic routier ont beaucoup évolué et le pont devient notablement insuffisant, en particulier pour le passage des gros camions et des autobus. Au milieu des années 1920, la nécessité de remplacer ce pont se fait de plus en plus criante. Si le principe d'une reconstruction complète est rapidement acquis, la question se pose de garder une travée mobile. Pratiquement plus aucun navire ne remonte jusqu'à Pont-Croix à cause de l'ensablement de la rivière et de la désaffection des commerçants de la ville pour ce mode de transport. Mais les pêcheurs veulent pouvoir continuer à faire hiverner leurs bateaux en amont du pont sans avoir à démâter.

Le troisième pont.

Finalement, une solution est trouvée qui satisfait toutes les parties. L'intensification du trafic routier interdit de réutiliser les piles et culées des premier et deuxième ponts, et il est décidé une reconstruction complète, en aval de ceux-ci. Le projet est définitivement accepté en avril 1927 et les travaux débutent le 27 avril pour s'achever le 7 décembre. Le nouveau pont est aussitôt livré à la circulation.

Il comporte trois travées fixes; deux de 20 mètres d'ouverture et une de 30 mètres, ainsi qu'une travée mobile. Cette fois, pour cette travée mobile, on a opté pour un pont pivotant de 22 mètres libérant un passage de 10 mètres. Et, au lieu de se trouver au milieu de l'ouvrage, la travée mobile est reportée à l'extrémité du pont côté Audierne.

Sur cette carte postale, on distingue nettement la travée pivotante et la couronne qui la supporte.

Détail de la carte postale ci-dessus

La travée mobile est composée d'une structure métallique supportant des hourdis en béton armé. Elle repose donc sur une couronne en acier scellée sur la culée du pont et pivote en roulant sur des galets disposés à intervalles réguliers. C'est cette couronne en acier et son axe qui subsistent aujourd'hui et que l'on voit sur les premières photos de cet article. La travée mobile est manœuvrée à l'aide d'une manivelle.

Le troisième pont vu de Plouhinec.

Les travées fixes sont en béton armé. La largeur intérieure totale de 7 mètres comporte une chaussée de 5 mètres et deux trottoirs d'un mètre

Autre point de vue depuis Plouhinec du 3ème pont.

Dès 1930, la travée mobile ne fonctionne plus. Il se pourrait même qu'elle n'ait jamais fonctionné. La cause en est que, lors des grands marées, l'eau de mer atteint sa couronne et son axe en acier qui s'oxydent, phénomène que l'on constate encore aujourd'hui. Des réparations sont envisagées, mais jugées trop onéreuses en regard du service qui serait rendu. 

A ceci près, qui ne gêne que quelques patrons de bateaux, pendant près de 30 ans, le pont assure le trafic routier sans événement majeur.

En 1959, afin d'améliorer les conditions d'accès au port, on construit des "guideaux" qui prennent appui sur les piles du pont côté aval, et on ferme la passe côté Plouhinec. Cela a pour effet d'augmenter la hauteur d'eau au niveau de la passe centrale et de permettre le passage des bateaux sortant des chantiers navals en amont du pont.

Sur cette carte postale, on voit, contre la première pile côté Audierne, ce qui est vraisemblablement le chantier de construction d'un guideau.   

Détail de la carte postale précédente.

Sur cette photo aérienne du 19 avril 1967, on voit les trois guideaux construits en 1959-1960. Source: remonterletemps.ign.fr

En 1961, la structure du pont vieillissant, il est nécessaire d'étayer son tablier. On sera même obligé de l'interdire aux poids lourds, et une partie du trafic devra, comme quelques décennies plus tôt, être détournée par Pont-Croix. Au début des années 1970, la décision est prise, il faut construire un nouveau pont.

Le quatrième pont.

C'est celui sur lequel nous circulons aujourd'hui encore.

Retour aux origines. L'emplacement du nouveau pont est vite choisi: ce sera là où le tout premier pont avait été construit, c'est-à-dire directement en amont de celui bâti en 1927 et qui devra être démoli.

Le nouveau pont, construit en béton armé d'un seul tenant, repose sur 3 piles et mesure 12 mètres de large au total, avec des trottoirs de 1,60 mètre.

J'ignore la date exacte de sa construction. Partout, on lit "après 1970". Les deux ponts,  l'ancien de 1927 et le nouveau coexisteront quelques années.

Sur cette photo aérienne du 1er juillet 1976, on voit les deux ponts côte à côte: l'ancien en bas à gauche et le nouveau en haut à droite. Source: remonterletemps.ign.fr

Sur cette carte postale, le nouveau pont est au premier plan et l'ancien pont, légèrement plus bombé, est au second plan.

Détail de la carte postale ci-dessus.

Sur cette autre carte postale, on voit les deux ponts côte à côte. Le nouveau est ouvert à la circulation des véhicules et l'ancien est sans doute réservé à celle des piétons.

L'ancien pont (le troisième) est supprimé entre août 1976 et juin 1978.

Sur cette photo aérienne du 19 juin 1978, seul subsiste le nouveau pont. De celui qui l'a précédé, il ne reste que 3 des piles. Source: remonterletemps.ign.fr

Photo aérienne de 2018. Source:  geoportail.gouv.fr

Mai 2020. A droite, le pont actuel, à gauche, les 3 piles du pont de 1927, les guideaux et la maçonnerie fermant la passe côté Plouhinec.

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