La tourbe de l'anse de Kervijen

Publié le par DL

En février 2018, à marée basse dans l’anse de Kervijen, en Plomodiern (Finsitère), quelques plaques sombres plus ou moins couvertes de sable apparaissent sur l’estran. C’est un matériau qui semble assez souple quand on marche dessus, d’une épaisseur apparente variable (vingt à trente centimètres par endroits), à la surface plus ou moins craquelée, mais conservant une certaine cohésion. Cela fait penser à du terreau mouillé et compacté. 

Renseignements pris, il s’avère qu’en fait, il s’agit de tourbe fossile.

Un an plus tard presque jour pour jour, de très grandes plaques dégagées du sable couvrent une superficie impressionnante.

La tourbe se forme par l’accumulation de débris végétaux peu ou pas décomposés dans un milieu saturé en eau. Comment expliquer la présence de tourbe, qui se forme normalement en eau douce, sur cet estran envahi par la mer deux fois par jour ? 

Dans l’anse de Kervijen, on ne peut manquer de remarquer la présence d’eau douce sous la forme d’un ruisseau. Il traverse un cordon de galets qui barre le fond de l’anse sur toute sa largeur, et s’écoule vers la mer en creusant un chenal naturel qui serpente dans le sable au gré des obstacles qu’il rencontre. 

En février 2019, d’évidence, c’est un flot d’eau douce impressionnant jaillissant du cordon de galets qui a contribué, sans doute avec la houle, à dégager une telle superficie de tourbe.

Il s’agit du ruisseau de Kerharo qui s’écoule du marais de Kervijen à travers le cordon de galets.

Précisément, la tourbe se forme notamment dans les marais : « Les tourbières plates à roseaux et grandes laîches sont surtout présentes dans les vallées alluviales de quelques rivières et fleuves du Bassin Parisien ou dans des marais arrière-littoraux » (Philippe Julve. Les tourbières de France. Bulletin de l’association de géographes français. 1994 ). 

Aujourd’hui, le marais arrière-littoral de Kervijen est essentiellement couvert de roseaux. 


 

Photographie aérienne : Institut géographique national 2015.

La présence de tourbe sur l’estran s’explique par la présence dans le passé, à cet endroit, d’un marais. A l’époque, le cordon de galets formant barrage à l’écoulement du ruisseau de Kerharo et permettant la formation du marais, se trouvait plus à l’Ouest qu’aujourd’hui. La tourbe s’y est alors accumulée. L’élévation du niveau de la mer a progressivement repoussé le cordon de galets vers sa position actuelle, découvrant le banc de tourbe ancienne.  

Proposition de restitution de la position du cordon de galets et du marais au moment de la formation de la tourbe fossile, à partir d’une photographie aérienne de 2015. Bien évidemment, à ce jour, rien n’indique quelle était la position effective du cordon de galets et celle du marais. Et bien évidemment, le paysage existant à l’époque autour du marais était totalement différent de celui montré par cette photo.

« Sur la plage de Kervijen, la tourbe forme un banc massif de 1,60 m de puissance reposant sur un sable gris d'origine marine dont l'épaisseur dépasse 1m. En amont, derrière le cordon isolant le marais de la mer, les carottages effectués dans la roselière montrent une épaisseur de tourbe supérieure à 3,5 m (Carte géologique de la France. Feuille Châtealin. BRGM) ».

Parfois, des morceaux de ce banc de tourbe se détachent sous l’effet de la houle et des courants et viennent s’échouer au pied du cordon de galets.

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Publié dans Géologie hydrologie

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