Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Flotteurs pour filets de pêche.

Publié le par DL

La marée a déposé deux flotteurs pour filets de pêche sur les galets d'une crique entre Ménez Dregan et Pors Poulhan en Plouhinec (Finistère). Octobre 2019.

Flotteur ovoïde

Flotteur à trous excentrés.

Liens:

https://www.nauticexpo.fr/prod/castro/product-22763-558991.html

https://www.ledrezen.com/789-nos-produits/273-flotteurs-et-bouees

Publié dans Laisses de mer

Partager cet article
Repost0

Huîtriers pie à Tréguennec

Publié le par DL

Sur la plage de Tréogat et Tréguennec (Finistère), entre Kerbinigou et Kermabec, des huîtriers pie (Haematopus ostralegus) sont au repos, face au vent. Février 2019.

Au premier plan, des bécasseaux Sanderling (Calidris alba), au second plan, des huîtriers pie (Haematopus ostralegus).

Huîtriers pie en situation caractéristique de repos: debout sur une seule patte, la tête tournée vers l'arrière et le bec caché sous une aile.

En dépit de son nom, cet oiseau ne se nourrit pas d'huîtres, mais d'autres bivalves plus petits (moules, tellines, coques ...) qu'il peut ouvrir avec son bec puissant. Il se nourrit aussi de petits crustacés et de vers. 

Comme les goélands, il peut aussi aller se nourrir de lombrics à l'intérieur des terres.

En Bretagne, des huîtriers pie sont sédentaires et nichent et se reproduisent sur place, tandis que d'autres, migrateurs, sont originaires de pays du Nord.

Partager cet article
Repost0

L'église Saint-Julien de Poulgoazec

Publié le par DL

Pour qui connaît le riche patrimoine religieux de notre Sud Finistère, l'église Saint-Julien de Poulgoazec en Plouhinec a de quoi surprendre. A l'œil accoutumé à la minérale rugosité du granite des autres églises et chapelles du Cap-Sizun, elle offre la lisse douceur de ses murs enduits de ciment blanchi.

Bâtie sur un promontoire qui surplombe l'embouchure du Goyen, elle semble veiller sur le port d'Audierne-Poulgoazec, ses bateaux et ses marins. 

C'était d'ailleurs en partie la vocation initiale de la chapelle qui avait précédé l'église actuelle. Dédiée à saint Julien l'Hospitalier ou le Passeur, celui-ci était supposé veiller sur ceux qui empruntaient le passage d'eau entre le hameau de Poulgoazec et l'autre rive du Goyen du côté d'Audierne. Un bac reliait les deux rives où des cales servaient à l'embarquement et au débarquement de passagers et de marchandises. Du côté d'Audierne, au pied de l'ancien abri du marin, on peut toujours voir la C'hall Cam ou "cale boiteuse", qui servait à ces manœuvres.

La "cale boiteuse" au pied de l'ancien abri du marin d'Audierne.

Les passages d'eau sont souvent placés sous la protection de saint Julien (1). Dans le Finistère, c'est le cas au Pouldu en Clohars-Carnoët, où une chapelle Saint-Julien, aujourd'hui disparue, veillait sur un passage d'eau à l'embouchure de la Laïta. C'est aussi le cas à Landerneau, où l'hôpital Saint-Julien fondé en 1336 était construit sur la rive gauche de l'Elorn, tout près du Pont de Rohan, lieu de passage stratégique entre le Léon et la Cornouaille.

Selon le chanoine Peyron, la chapelle Saint-Julien de Poulgoazec était dédiée à saint Goazec et à saint Julien l'hospitalier ou le passeur (dans "Les églises et chapelles du diocèse de Quimper". Bulletin de la Société archéologique du Finistère. 1903).

L'abbé Antoine Favé, à propos de la chapelle de Bonne Nouvelle en Plonéour-Lanvern, écrivait: « En 1659, Alain Le Goff, recteur de Plouhinec, était chapelain de la chapelle de Saint-Julien, autrement dit Bonne Nouvelle de Plonéour (en 1661, il résidait au manoir de Lescongar en Plouhinec). Sa chapellenie de Plonéour portait deux vocables: Saint-Julien  et N.-D. de Bonne-Nouvelle; dans la paroisse qu'il gouvernait, dans l'agglomération importante de Poulgoazec, il retrouvait une chapelle, aussi sous le nom de Saint-Julien et portant un second vocable: celui de Bon secours « ltron Varia a Zikour mad. » . N'est-ce pas lui qui aurait pris l'initiative d'associer, là aussi, le culte de la Mère de Dieu à la dévotion à saint Julien le Passeur, en souvenir de sa chapelle de Plonéour ? Les dates permettent de le supposer. » ("Note sur la chapelle de Bonne Nouvelle en Plonéour Lanvern". Bulletin de la Société archéologique du Finistère. 1898). 

L'actuelle chapelle Notre-Dame de Bonne Nouvelle Saint-Julien de Plonéour-Lanvern, reconstruite en 1876.

Le chanoine Peyron et l'abbé Favé, qui ne citent pas leurs sources, sont les seuls à mentionner une seconde dédicace pour la chapelle Saint-Julien, saint Goazec pour l'un, ltron Varia a Zikour mad pour l'autre (il faut noter qu'en breton, la chapelle de Bonne Nouvelle de Plonéour est dite de "Kelou mad", et non pas de "ltron Varia a Zikour mad").

Bien que, pour la chapelle de Poulgoazec, certains sites Internet évoquent une chapelle primitive datant du 16° siècle sans citer leurs sources, on ne connaît pas précisément la date de sa construction. On lit ici ou là qu'une inscription figurant sur le clocher « 1681:M:H:LOVARN:F » célébrerait la construction de la chapelle par la famille Louarn. Selon moi, cette inscription marque plus probablement, comme c'était l'usage à l'époque, la réalisation de travaux, peut-être l'érection ou la réparation du clocher, en 1681, sous la direction d'un "Messire H. LOVARN, Fabricien" (c'est-à-dire membre de la fabrique, chargée de l'administration des revenus et des biens de la chapelle) et non pas son fondateur.   

Si on ignore l'année de la construction de la chapelle, un croquis de son ancien clocher, réalisé dans les années 1880 par l'architecte Jean-Marie Abgrall, pourrait nous fournir une indication sur l'origine de sa fondation. En marge du dessin du clocher proprement dit, Jean-Marie Abgrall a ajouté celui d'un blason sculpté qui figurait au-dessus du porche d'entrée sur le mur de façade Ouest. 

Clocher de St Julien de Poulgoazec. Croquis de Jean-Marie Abgrall. Non daté. Détail. Source: Médiathèque Alain-Gérard : Bibliothèque Numérique ABG NUM

Ce blason est vraisemblablement celui du fondateur de la chapelle. Il est composé de 3 pals, ces figures verticales comme posées sur un fond, et surmonté d'une couronne. 
En héraldique (la science du blason, très codifiée), dans un blason comportant des pals, si la couleur de ceux-ci est celle d'un métal (or ou argent), celle du fond est obligatoirement d'une couleur appelée émail (bleu appelé azur en héraldique, ou rouge appelé gueules, ou noir appelé sable, ou vert appelé sinople ou violacé appelé pourpre). Et inversement: si la couleur des pals est un émail (par exemple azur), celle du fond est obligatoirement un métal (or ou argent).
Par ailleurs, les pals peuvent être disposés de deux manières: 
- soit de manière centrée et symétrique, comme sur le blason de La Motte degennes: d'argent (pour le fond) à 3 pals d'azur

 

"Recueil de grand nombre d'écussons, avec leurs blasons en couleur, des principalles familles de Bretagne etc. " (#). Source: gallica.bnf.fr

- soit décalés vers la droite du blason et non symétrique comme sur le blason Kbozrec: palé d'or et d'azur. Dans ce cas, le fond de couleur est considéré comme étant aussi composé de pals, soient 3 pals d'or et 3 pals azur

"Recueil de grand nombre d'écussons, avec leurs blasons en couleur, des principalles familles de Bretagne etc. "  Source: gallica.bnf.fr

On voit bien que le blason dessiné par Jean-Marie Abgrall ressemble au premier type: 3 pals disposés de manière centrée et symétrique. La difficulté avec ce dessin est qu'on ne sait pas de quelles couleurs sont les pals et le fond. 

On connaît un blason ressemblant à ce type dans le Cap-Sizun, celui de la famille de Rosmadec. Depuis Jehan de Rosmadec qui, en s'alliant au 14° siècle à la famille de Tyvarlen (en Landudec), devint seigneur de Pont-Croix, jusqu'à la toute fin du 17° siècle, les Rosmadec ont rayonné sur toute la région. La seigneurie de Pont-Croix fut érigée pour eux en marquisat (1608). En 1603, Sébastien II de Rosmadec achète au vicomte de Rohan ce qu'il reste de la seigneurie du Quéménet, laquelle comprend, à cette époque, la paroisse de Plouhinec, et bien entendu Poulgoazec. Il paraît donc vraisemblable que les Rosmadec aient fait sculpter leur blason sur la chapelle Saint-Julien de Polugoazec, soit quand et parce qu'ils l'ont fait construire, soit quand et parce qu'ils y ont fait réaliser des travaux d'agrandissement ou d'embellissement.
Ce qui confirme cette hypothèse, c'est la couronne qui surmonte le blason. Il pourrait s'agir d'une couronne héraldique de marquis ou d'une couronne de baron (les Rosmadec étaient non seulement marquis de Pont-Croix, mais aussi barons de Molac) 

Et les Rosmadec blasonnent "palé d'argent et d'azur" … mais …

"Recueil de grand nombre d'écussons, avec leurs blasons en couleur, des principalles familles de Bretagne etc. "  Source: gallica.bnf.fr

… mais leur blason n'est pas du même modèle que celui dessiné par Jean-Marie Abgrall: il est composé de 3 pals d'argent et de 3 pals d'azur disposés alternativement et sans symétrie depuis la gauche jusqu'à la droite.

Tentons une hypothèse. Jean-Marie Abgrall a peut-être dessiné ce qu'il voyait, ou ce qu'il croyait voir. Le blason, sculpté dans la pierre à 5 mètres de haut, sur la façade Ouest de la chapelle, c'est-à-dire la plus exposée aux intempéries, pluie, vent, embruns chargés de sel, était peut-être très dégradée. 

La plus ancienne représentation de la chapelle Saint-Julien de Poulgoazec se trouve sur la "Carte topographique des costes de Bretagne, etc."(2), dressée entre 1670 et 1677 par le chevalier Louis-Nicolas de Clerville (1610-1677), commissaire général des fortification de France (3). Encore ne s'agit-il certainement que d'une représentation symbolique.

"Carte topographique des costes de Bretagne ... depuis le Port-Louis jusqu'à celui d'Audierne, etc". 1670-1677. Extrait. Source: gallica.bnf.fr

"Carte topographique des costes de Bretagne ... depuis le Port-Louis jusqu'à celui d'Audierne, etc". 1670-1677. Détail. Source: gallica.bnf.fr

Dans les archives, il est fait mention de la chapelle Saint-Julien pour la première fois en 1684 (ou 1685), à propos d'un naufrage survenu sur la côte de Plouhinec.

Le 17 décembre 1684 (selon ce qui est rapporté par le chanoine Pérennès dans la monographie qu'il a consacrée à Plouhinec et Poulgoazec (4), mais le 17 décembre 1685 selon l'Inventaire des fonds des Amirautés de Morlaix et de Quimper établi par J. Lemoine et H. Bourde de la Rogerie), le Jacques, navire de Saint-Malo, fait naufrage sur les récifs de Poulgoazec. Un corps est retrouvé sur la grève au pied de la chapelle Saint-Julien. C'est celui de Mgr Justiniani, archevêque grec de Grévène et Unzi (?) en Bulgarie. Le corps est exposé pendant 3 jours (selon Pérennès et 2 jours selon Lemoine et La Bourderie) dans la chapelle Saint-Julien, avant d'être transporté dans l'église paroissiale de Plouhinec puis d'être inhumé dans celle-ci (aujourd'hui, une résidence de Plouhinec porte le nom de ce prélat).   

Dans sa monographie sur Plouhinec et Poulgoazec, le chanoine Pérennès a relevé quelques mariages célébrés dans cette chapelle aux 17° et 18° siècles.

Ironie du sort, en 1725, un autre tragique accident survient au pied même de la chapelle Saint-Julien. Le 17 juin, 52 personnes revenant du pardon de Saint-Tugen en Primelin prennent place dans le bac entre Audierne et Poulgoazec. Sans doute surchargé et malmené par la houle qu'à cette époque aucun aménagement portuaire n'atténue, le bac coule et tous ses passagers sont noyés. La protection du saint patron des passeurs est prise en défaut.

La chapelle figure à nouveau sur une carte publiée entre 1750 et 1800, cette fois encore de manière symbolique.

[Carte des côtes de Bretagne] [Baie d'Audierne] 1750-1800. Extrait. Source: gallica.bnf.fr

[Carte des côtes de Bretagne] [Baie d'Audierne] 1750-1800. Détail. Source: gallica.bnf.fr

La chapelle est encore mentionnée sur une carte publiée entre 1771 et 1785.

[Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier] [Audierne] 1771-1785. Extrait. Source: gallica.bnf.fr

[Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier] [Audierne] 1771-1785.Détail. Source: gallica.bnf.fr

En octobre 1788, la fabrique de la chapelle Saint-Julien, comme les autres chapelles de Plouhinec (Saint-Jean, Saint-Tugdual, Saint-Mazeal et Saint-They), contribue pour 2 livres aux décimes du diocèse de Cornouaille. Ces décimes couvrent les frais et charges internes au clergé ainsi que "l'impôt volontaire" que le clergé verse au trésor royal. Au titre de ces mêmes décimes, le recteur de Plouhinec contribue pour 84 livres 15 deniers, la fabrique de l'église paroissiale pour 9 livres 10 deniers et la confrérie du Rosaire pour 4 livres ("Rôle des décimes du diocèse de Cornouaille" dans "Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon" par René Couffon et Alfred Le Bars). Ce fait atteste qu'en 1788, la chapelle Saint-Julien est toujours en activité et que sa fabrique perçoit des revenus.

Surviennent la Révolution et la mise à la disposition de la Nation des biens du clergé (2 novembre 1789)(5). Afin de résorber en partie la dette de l'Etat, les biens du clergé, devenus biens nationaux, sont mis en vente à partir de juillet 1790. Il faut attendre juin 1795 pour que la chapelle Saint-Julien soit vendue. C'est Yves Daniélou (1746-1806), notaire royal et greffier de la juridiction de Pont-Croix qui l'achète pour 2.200 livres.

Il est difficile de juger de l'état de la chapelle à cette date en se fiant à son prix de vente. Pour comparaison, on peut noter que la chapelle Saint-Vaal de Keridreuff, alors en Plouhinec, est vendue à la même époque pour 7.025 livres (6), celle de Notre-Dame de Bon Voyage en Plogoff pour 1.100 livres, celle de Sainte-Evette en Esquibien pour 5.100 livres, celle de Saint-Théodore en Primelin pour 1.500 livres (Abbé Parcheminou: La Révolution au fond du Cap-Sizun, page 199). 

Notre chapelle figure sur le Plan du port d'Audierne, levé en 1818 par les ingénieurs géographes de la Marine, et publié en 1822 dans le Pilote français, atlas des côtes de France.

Plan du port d'Audierne levé en 1818, publié en 1822. Pilote français. Extrait. Source: gallica.bnf.fr

Plan du port d'Audierne levé en 1818, publié en 1822. Pilote français. Détail. Source: gallica.bnf.fr

Les ingénieurs géographes qui ont relevé et dessiné les cartes et plans du Pilote français avaient habituellement le souci de les représenter aussi fidèlement que possible. Curieusement, sur ce plan, la chapelle est représentée avec une orientation Nord-Sud, alors qu'elle était sans doute orientée Ouest-Est comme la quasi totalité des églises et chapelles à cette époque.

Plan du port d'Audierne levé en 1818, publié en 1822. Pilote français. Détail. Source: gallica.bnf.fr

En 1836, sur l'état de section du cadastre de Plouhinec, la chapelle Saint-Julien appartient à Charles-Louis Vaultier. Elle est qualifiée de masure. 40 ans se sont écoulés depuis son acquisition par Yves Daniélou, 40 ans pendant lesquels elle n'est plus affectée au culte, et sans doute pas ou peu entretenue. Charles-Louis Vaultier (1766-1854), ancien professeur d'hydrographie à Quimper, directeur de l'école d'hydrographie d'Audierne et officier municipal de cette ville, ayant épousé Marie Catherine Appoline Daniélou, est surtout le gendre d'Yves Daniélou qui avait acheté la chapelle en 1795. Celui-ci est décédé en 1806 et c'est sa fille qui a hérité de la chapelle. Mais en vertu du Code civil napoléonien édicté en 1804, elle est, comme toutes les femmes d'alors, déclarée juridiquement incapable. 

Plouhinec. Cadastre. Etats de sections. Section H 1 de Lezarouan. 1836. Source: archives départementales du Finistère

Fréquemment, les acquéreurs de lieux de culte vendus nationalement, comptant sur  le rétablissement des pratiques religieuses, avaient prévu de les rendre à l'Eglise. Ce n'est pas Yves Daniélou qui restitue la chapelle Saint-Julien à la fabrique de l'église de Plouhinec le 12 juin 1845, mais Charles-Louis Vaultier. En fait, ce n'est pas exactement la chapelle qu'il donne à la fabrique, mais « l'emplacement de la chapelle Saint-Julien et les ruines qui y existent encore ... ». Et il y met des conditions « en acquitter désormais les contributions ... réédifier ladite chapelle, la mettre à même de servir au culte catholique dans un délai de trois ans ... la tenir constamment en bon état de réparation » (cité par Jean-Jacques Doaré. Plouhinec autrefois. Tome II. Pages 56 et s.).

Comment dirait-on aujourd'hui ? Cadeau empoisonné ? La fabrique n'a pas les moyens de réédifier cette chapelle et elle la laisse se dégrader davantage. A tel point qu'en 1869, quand l'évêché lance une enquête sur les chapelles du diocèse, à Plouhinec, seules sont mentionnées Saint-Tugdual et Saint-They. Saint-Jean, également en ruine, et Saint-Julien ne sont même pas mentionnées.

Enquête sur les chapelles du diocèse de Quimper et de Léon. 1869. Source: archives diocésaines de Quimper.

Près de 40 ans après la restitution de la chapelle Saint-Julien à la fabrique de Plouhinec, qu'est-ce qui sauve le modeste édifice d'une ruine complète et irréversible ? Un petit poisson, la sardine ! Ou plus exactement des millions de sardines. Indirectement, il va sans dire.

En effet, si on conserve la sardine par pressage dans le Cap-Sizun et le pays de Douarnenez depuis fort longtemps, les années 1870-1880 voient se développer à Audierne et Poulgoazec une industrie basée sur une nouvelle méthode de conservation de ce poisson, l'appertisation, c'est-à-dire sa stérilisation par friture dans l'huile. A Audierne, 8 usines, vite elles-mêmes surnommées "fritures", s'implantent entre 1878 et 1880, et 3 à Poulgoazec en 1880: les Chancerelle, les Delécluse et Saupiquet !

Les frères Auguste et Charles Chancerelle s'établissent d'abord à Poulgoazec en 1880 avant d'ouvrir une usine à Audierne en 1895.

Le soudain besoin de main d'œuvre, tant sur les bateaux que dans les usines attire sur les deux rives du Goyen une population nouvelle, souvent issue de la campagne. Côté Plouhinec, pêcheurs et ouvrières des fritures s'installent à Poulgoazec, évidemment, mais aussi dans les villages alentour, Saint-Jean, Lézarouant, Kersugard, Locquéran, Ménez Veil, etc ... A l'époque, on n'a pas peur de marcher, même en sabots, pour aller travailler dans les fritures de Poulgoazec, voire de passer le Goyen par le nouveau pont mis en service en 1882 pour se rendre dans les usines côté Audierne. En 1866, Plouhinec compte 3.736 habitants, et en 1886, il en compte 4.596.

La population de Poulgoazec, trop éloignée de l'église paroissiale de Plouhinec, ne peut accomplir assidûment ses devoirs spirituels, et les enfants, en particulier, sont privés de catéchisme. Le conseil de fabrique de l'église paroissiale, lors de sa réunion d'octobre 1883, considérant que « le quartier de Poulgoazec ... est devenu depuis quelques temps un centre important de population, et que cette population, qui compte déjà de 1.500 à 2.000 âmes sur un rayon de moins d'un kilomètre, est appelée à s'accroître de plus en plus par suite du développement que prend chaque année l'industrie de la pêche et de l'établissement de nouvelles usines ... est d'avis qu'il y a urgence extrême de reconstruire la chapelle en ruine, dite chapelle de Saint-Julien ... » (cité par Jean-Jacques Doaré. Plouhinec autrefois. Tome II. Pages 56 et s.).

Dans ce qui suit, beaucoup d'informations proviennent de l'ouvrage de Jean-Jacques Doaré. Plouhinec autrefois. Tome II. Pages 55 et suivantes.

Yves Bernard, recteur de Plouhinec a pris les devants et sollicité l'architecte Jean-Marie Abgrall qui a déjà établi des plans.

Reconstruction de la chapelle de Saint Julien à Poulgoazec. Dressé par l'architecte soussigné le 25 octobre 1883. J.M. Abgrall prêtre. Source: Médiathèque Alain-Gérard : Bibliothèque Numérique ABG NUM

Reconstruction de la chapelle de Saint Julien à Poulgoazec. Coupe longitudinale et plan. Dressé par l'architecte soussigné le 20 octobre 1883. J.M. Abgrall prêtre. Source: Médiathèque Alain-Gérard : Bibliothèque Numérique ABG NUM

Reconstruction de la chapelle de Saint Julien à Poulgoazec. Coupe transversale. Elévation Ouest. Elévation Est. Dressé par l'architecte soussigné le 23 octobre 1883. J.M. Abgrall prêtre. Source: Médiathèque Alain-Gérard : Bibliothèque Numérique ABG NUM

Le montant des travaux est estimé à 12.934 f. La difficulté de réunir les fonds nécessaires n'empêche pas le démarrage des travaux réalisés par M. Gigou, entrepreneur à Audierne, mais conduit à ramener le coût final à 11.050 f, en renonçant à la construction de la sacristie qui était prévue, accolée à l'arrière du chœur.

Les marins et pilotes d'Audierne et Poulgoazec, pour qui le clocher de Saint-Julien constitue un amer indispensable à la sécurité de la navigation à l'entrée du port d'Audierne, craignent sa disparition dans le cadre de la reconstruction de la chapelle.

Clocher de St Julien de Poulgoazec. Croquis de Jean-Marie Abgrall. Non daté. Source: Médiathèque Alain-Gérard : Bibliothèque Numérique ABG NUM

Marins et pilotes sollicitent donc le ministre des Travaux Publics par pétition pour qu'il contribue à la reconstruction du clocher ou qu'il fasse établir un nouvel amer au même endroit. Cette deuxième option entraînerait un coût de 1.500 f, et le ministre opte pour le versement d'une subvention de ce montant pour contribuer à la reconstruction du clocher (7).

Commission des phares. Première page du procès verbal de la réunion du 27 juin 1885. Source: archives nationales - fonds de la commission des phares. 

Les travaux avancent d'autant plus vite que la population aide gracieusement au charroi des matériaux, et la construction terminée, la chapelle neuve est bénite le lundi de Pentecôte, 14 juin 1886, jour du pardon de Saint-Julien (on lit ici ou là qu'elle a été bénite le 16 juin 1886, lundi de Pentecôte. Or le 16 juin 1886 était un mercredi).

1889. Annuaire du département du Finistère pour 1889. Source: bibliothèque diocésaine. Quimper

Pardon de Saint-Julien à Poulgoazec. Cliché non daté. A gauche du cliché, on reconnaît l'abri du marin d'Audierne, sur l'autre rive du Goyen.

Grâce aux cartes postales, nous disposons de photographies de la chapelle Saint-Julien après sa reconstruction. Ces photographies étant le plus souvent prises depuis la rive opposée du Goyen, côté Audierne, on ne distingue pas les détails de son architecture, mais on reconnaît sa forme simple en croix latine. Les photographies qui suivent ne sont pas datées, mais elles sont antérieures à 1929, date à laquelle la chapelle sera agrandie.

Ici, l'éditeur l'appelle chapelle Saint-André !

 

 Ici, l'éditeur l'appelle chapelle Saint-Jean !

En 1903, l'évêché lance une nouvelle enquête sur les chapelles du diocèse. Cette fois, Saint-Julien est mentionnée avec Saint-Tugdual et Saint-They.

Etat des chapelles publiques de Plouhinec. 1903. Source: bibliothèque diocésaine. Quimper

On y lit qu'une messe y est célébrée chaque semaine, qu'on y fait le catéchisme 3 fois par semaine, que le chiffre de "la population la plus rapprochée de la chapelle" est estimé à 2.500 et que 700 à 800 personnes assistent à la messe du dimanche.

Les années passent. La population de Plouhinec croît: 4.596 habitants en 1886, 6.458 habitants en 1911 et 6.738 habitants en 1926 ! Et c'est surtout Poulgoazec et les villages alentour qui voient leur population augmenter avec l'accroissement des activités liées à la pêche.

En 1876, 45 bateaux sont attachés au port de Poulgoazec. Ils sont 100 en 1889, 127 en 1911. En 1902, il y a 800 marins à Poulgoazec et 500 femmes sont employées dans les usines de conserves (Jean-Jacques Doaré. Plouhinec autrefois. Tome II. Page 209).

La messe est maintenant célébrée chaque dimanche à Poulgoazec, et les enfants vont au catéchisme 3 fois par semaine. Mais pour certaines cérémonies, en particulier celles concernant les sacrements de baptême et de mariage, les fidèles sont toujours obligés de se rendre au bourg. En effet, selon le code de droit canonique en vigueur à cette époque, les sacrements de baptême et de mariage ne peuvent être administrés qu'au sein de l'église paroissiale. C'est pourquoi il n'y a pas de fonts baptismaux dans une chapelle, et notamment, à l'époque, dans celle de Saint-Julien. Et Poulgoazec et les villages environnants sont toujours aussi éloignés de l'église paroissiale Saint Winok. 

C'est le nouveau recteur de Plouhinec, nommé en novembre 1925, l'abbé Nicolas Billant, qui œuvre pour la création d'une nouvelle paroisse à Poulgoazec. Il intervient auprès de l'évêque, monseigneur Duparc, et il fait déterminer les limites géographiques de la nouvelle paroisse. Tous les villages et écarts à l'Ouest de la commune de Plouhinec relèveront désormais de la paroisse de Poulgoazec, depuis Kersigneau au Nord jusqu'à Saint-Dreyer (en partie) au Sud, en passant par Saint-Jean, Le Rouedou, Kersugar, Locquéran, Larenvoie, Brennilour, Lezarouant, etc.

Limites de la nouvelle paroisse de Poulgoazec. Carte d'Etat major de 1848. Source: geoportail.gouv.fr

Si la superficie de la nouvelle paroisse couvre moins de 25% de celle de la commune de Plouhinec, l'abbé Billant y décompte plus de 3.000 habitants sur les 6.700 que compte la commune. Ce fait témoigne de la concentration de population aux alentours du port de Poulgoazec.

Le 2 avril 1926, l'évêque décrète l'érection en paroisse du quartier de Poulgoazec et l'élévation au rang d'église paroissiale de la chapelle Saint-Julien. Le premier recteur en est l'abbé Jean-Marie Cadiou, et son vicaire l'abbé Jean Le Berre.

Le Progrès du Finistère du 10 avril 1926. Source: archives départementales du Finistère.

Les 2 prêtres sont solennellement installés le 14 avril 1926 en présence de la foule de leurs fidèles.

Le Progrès du Finistère du 17 avril 1926. Source: archives départementales du Finistère.

Enfin, l'intronisation du recteur et de son vicaire se déroule le dimanche 18 avril. On parle donc maintenant de l'église Saint-Julien de Poulgoazec, et non plus de la chapelle Saint-Julien. Elle peut accueillir 500 personnes. Divers ornements sont soit donnés par la paroisse de Plouhinec (ciboire, calices, aubes, etc.), soit offerts par des paroissiens (linges d'autels, ornements, etc.), ou encore achetés grâce au produit des quêtes. La nouvelle paroisse est autonome et les prêtres qui la desservent peuvent y célébrer des mariages et y baptiser des nouveaux nés. Certes, la nouvelle église n'a pas encore de fonts baptismaux (ils ne seront livrés qu'en juillet suivant), mais temporairement, le baptême peut se faire sur un simple bassin de cuivre. L'église n'a pas non plus de chaire à prêcher ni de confessionnal (il sera installé en mai), mais elle est dotée de son propre registre de catholicité où sont inscrits les baptêmes, les mariages et les sépultures des fidèles de la paroisse. En attendant la création d'un cimetière proche de l'église Saint-Julien, on continue d'inhumer dans celui du bourg.

Un terrain est acheté en janvier 1928 pour y établir le cimetière. et les travaux une fois réalisés, il est béni le 4 novembre de la même année. Un premier défunt y est inhumé deux jours plus tard.

Cette photo aérienne du 26 septembre 1929 nous montre, encadrée de jaune, l'église Saint-Julien, et encadré de bleu, le nouveau cimetière inauguré moins d'un an auparavant. Source: remonterletemps.ign.fr

Photo aérienne du 26 septembre 1929. Détail.

Un nouveau projet ne tarde pas à voir le jour, l'agrandissement de l'église de Poulgoazec. Tous les dimanches, les fidèles y sont à l'étroit aux messes de 8 heures et 10 heures. L'abbé Cadiou y songe depuis longtemps, et a même évoqué cette nécessité auprès de l'évêque en décembre 1927. 

L'architecte du diocèse, Charles Chaussepied, établit des plans et un devis qui s'élève à 90.000 francs. Pour le financement, l'abbé Cadiou a entrepris des quêtes dès l'été 1927, organisé une kermesse en août 1928 et obtenu de l'évêque l'autorisation de souscrire un emprunt.

Le projet consiste en l'ajout d'un bas-côté large de 6 mètres au Nord de la nef et en l'allongement de 3 mètres du bras Nord du transept. Le mur Nord de l'ancienne chapelle, construit en 1886 est supprimé et remplacé par 3 piliers carrés qui supportent les voûtes du bras Nord du transept et de trois nouvelles travées. Cette nouvelle construction crée 300 places supplémentaires.

S'y ajoutent, au Nord-Ouest, une chapelle abritant les fonts baptismaux, et au Nord-Est, une sacristie.

Le côté Nord de l'église Saint-Julien, de nos jours.

La première pierre est posée le 16 juillet 1929 et les travaux sont achevés le 15 décembre.

L'église Saint-Julien vue du dessus. En tireté orange, les limites de la chapelle construite en 1886. En rouge, les positions des 3 piliers soutenant les voûtes du bras Nord du transept et des 3 nouvelles travées. Photo IGN. Source: geoportail.ign.fr

Le nouvel édifice est béni le 2 février 1930.

Le Progrès du Finistère. février 1930. Source: archives départementales du Finistère.

Le 13 mars 1932, deux nouvelles cloches sont baptisées et posées sur le clocher, Jeanne-Félicité (320 kg) et Yvonne-Marie (225 kg), coulées par la Fonderie de bronze de Bretagne à Brest.

La semaine religieuse. 1932. Source: bibliothèque diocésaine Quimper.

Pour recevoir les nouvelles cloches, deux clochetons ont été construits de part et d'autre du vieux clocher. Celui-ci abritait déjà une cloche dont on ne sait quand elle avait été posée. Il n'y en a pas sur le croquis du vieux clocher qu'avait réalisé l'architecte Jean-Marie Abgrall dans les années 1880 (voir plus haut). Mais peut-être celui-ci avait il délibérément omis de la dessiner. Par un décret du 20 brumaire de l'an II, la Convention avait ordonné que les cloches soient descendues et envoyées dans les arsenaux pour être fondues et servir à fabriquer des canons. Toutes les cloches du Cap-Sizun sont expédiées par mer à l'arsenal de Brest et celle de Saint-Julien n'y a sans doute pas échappé (Paul Cornec. Audierne et le Cap-Sizun sous la Révolution. pages 114 et s. / Corentin Parcheminou. La Révolution au fond du Cap-Sizun. page 197). 

La Semaine religieuse. 1932. Source: bibliothèque diocésaine. Quimper.

L'un des parrains, Jean Hénaff est certainement le patron de l'usine de conserves du même nom, établie à Pen ar March'ad.  Il n'a pas été possible de préciser l'identité des autres parrain et marraines.

Encore une fois, des cartes postales nous montrent la nouvelle silhouette de l'église Saint-Julien, avec les 3 nouvelles travées à côté du bras du transept agrandi et son nouveau clocher.

Dans le clocheton Nord 

Dans le vieux clocher

Dans le clocheton Sud

Depuis lors, le seul aménagement notable intervenu sur l'architecture de l'église est la construction d’un vestibule extérieur côté sud en 1968. 

​​​​​​​Le vestibule construit en 1968 constitue un sas avant l'entrée proprement dite dans l'église.

Au-dessus du portail d'entrée Ouest, une sculpture en bas relief représente un bateau sous voiles. Certains y voient une carvelle. J'ai un doute.

Le terme carvelle est connu dans le Cap-Sizun et le type de navire auquel il se rapporte est représenté par plusieurs sculptures sur les murs des églises et chapelles tant du Cap-Sizun que du pays bigouden, notamment église Saint-Rumon d'Audierne et église Saint-Nonna de Penmarc'h. Elles se reconnaissent surtout par la présence d'un château arrière, et éventuellement d'un château avant plus bas.

 

Carvelles. A gauche église Saint-Rumon d'Audierne, à droite église Saint-Nonna de Penmarc'h.

La sculpture présente sur l'église Saint-Julien de Poulgoazec est de facture à la fois plus moderne et plus simpliste. En tout état de cause, elle ne ressemble en rien aux carvelles des autres églises. Elle pourrait représenter une barque de pêche ou un petit navire de cabotage. 

Si la chapelle puis l'église Saint-Julien n'a que peu inspiré les peintres pour elle-même, on reconnaît néanmoins sa silhouette sur quelques tableaux.

Léon Printemps

M. Merlin

Ulysse Gorrin

Henri Moret

Théophile Eugène Verdeau

Henri Joseph Sergent

Bernard Buffet

Anonyme

Emile Simon

 

Partager cet article
Repost0