Le port de Canté à Plozévet.

Publié le par DL

Aujourd'hui, beaucoup connaissent la plage de Canté à Plozévet en tant que lieu de baignade ou parce que certains sites et ouvrages situent dans sa proximité le Menhir des Droits de l'Homme. Elle est parfois appelée la plage de Kerrest.

C'est une plage de sable fin, bordée du côté terre par un mince cordon de galets, extrémité septentrionale de celui qui court de Penhors à la pointe de la Torche. Du côté mer, son extrémité Nord se prolonge par un plateau rocheux, submergé à marée haute et coupé par une passe sableuse.

Sur cette photo, on voit au premier plan le cordon de galets qui borde l'extrémité de la plage de sable fin, et en arrière plan le plateau rocheux coupé par la passe.

A cet endroit, le ruisseau du moulin de Kerguinaou qui prend sa source près du bourg de Plozévet s'épand sur la plage après avoir traversé le cordon de galets qui fait barrage à son écoulement.

Photo aérienne de l'IGN. Source: geoportail.gouv.fr 

Plan de l'Institut Géographique National. Source: geoportail.gouv.fr

Il faut nous arrêter un instant sur le sens de ce toponyme. 

L'Office de la langue bretonne nous dit ceci:

Office de la langue bretonne. Etude normative des toponymes de la commune de Plozévet.

Mais, dans sa "Description morphosyntaxique du parler breton de Plozévet" (thèse de doctorat), Gilles Goyat traduit ce terme par marais d'estuaire.

 Gilles Goyat. Description morphosyntaxique du parler breton de Plozévet.

On trouve trace de ce toponyme sur d'anciennes cartes marines de 1693, 1702-1707 et 1771-1785.

Charles Pene. "6me. carte particuliere des costes de Bretagne depuis la Baye d'Hodierne jusqu'a l'Isle de Groa, contenant les Isles de Glenan. Comme elles paroissent a Basse Mer dans les grandes marées". 1693. Source: gallica.bnf.fr

Samuel Thornton. " La côte de BRETAGNE des Penmarks à Port Douelan". 1702-1707. Source: digitalcollections.nypl.org 

Service hydrographique de la Marine. "[Penhors] appartient à la carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier". 1771-1785. Source: gallica.bnf.fr

Ici, il y eut un port sommairement aménagé, et il en subsiste des vestiges: brise-lames en maçonnerie et reste d'un treuil qui servait à haler les bateaux au sec. 

La maçonnerie du brise-lames. 

Vestige du treuil.

Il est probable que cette petite anse quelque peu abritée de la houle de Nord-Ouest par la pointe de Canté, ait servi d'abri ou de point d'accostage pour des bateaux de pêche bien avant que soient entrepris des travaux dans les années 1930. Les archives nous en fournissent des indices.

Par exemple, en septembre 1895, un des témoins de la noyade d'Adolphe Alavoine, maire de Pont-Croix, à Canté, est Yves Lautrédou, marin pêcheur originaire du village de Kergolier, qui, à bord d'une embarcation, retrouve le corps (1).

Par ailleurs, des pêcheurs vivaient dans les villages proches de Canté. Ainsi, en 1906, le recensement de la population de Plozévet mentionne:
- à Porzambréval: Daniel Bourdon (37 ans), Guillaume Nicolas (34 ans), Alain Bourdon (34 ans), Noël Dréau (20 ans) et Henri Burel (17 ans);
- à la Palue de Keristevet: Hervé Mazo (38 ans) et Henri Fomer (39 ans).

Ils se déclarent tous marin ou pêcheur, et pour certains, également cultivateur.

Certes ils auraient pu partir pêcher depuis l'anse plus abritée de Pors Poulhan, mais elle est distante de plus de 3,2 km de Porzambréval et de plus de 5,7 km de la Palue de Keristevet. Il est plus vraisemblable que leurs bateaux se trouvaient dans l'anse de Canté.

[J'ai tiré l'essentiel des informations concernant les travaux au port de Canté de la publication de l'association Histoire et Patrimoine de Plozévet sur "Canté au cours du 20ème siècle" (*) et  de l'article de René Rochefort "Géographie sociale d'une commune bretonne d'après les délibérations de son conseil municipal"(**).]

Alors qu'à Pors Poulhan des aménagements sont entrepris dès 1899 (une plate-forme en décembre, puis un treuil pour remonter les bateaux à l'abri des tempêtes qui est installé en janvier 1900), Canté n'est pas jugé assez important pour justifier que la commune ou les administrations compétentes envisagent des travaux d'amélioration.

Ce n'est qu'en 1931 que Canté est enfin équipé d'un treuil pour haler au sec la dizaine de bateaux qui le fréquente avec une trentaine d'hommes d'équipage. La commune acquiert également un terrain pour que les pêcheurs y remisent leurs bateaux. Le département est sollicité pour participer au financement (2). 

La même année, les usagers du port de Canté s'engagent à construire un "barrage" (un brise-lames) destiné à réduire les effets de la houle du Sud sur la passe. Il a résisté aux tempêtes et on peut encore le voir aujourd'hui.

Le brise-lames de Canté.

En 1935, les usagers procèdent à un déroctage de la passe et à la construction d'un petit débarcadère. 

En 1936, Canté est le port d'attache de 14 canots montés par 60 hommes d'équipage.

En 1937, après étude par les Ponts et Chaussées, il est procédé à l'élargissement du chenal d'accès et au prolongement du débarcadère.

Sur cette photo aérienne de l'Institut Géographique National, on distingue, cerclé de jaune, le brise-lames, cerclés de rouges les deux parties du débarcadère, et cerclé de vert, un bateau sans doute de pêche. Mission photographique du 20 avril 1960. Source: remonterletemps.ign.fr

Sur cette carte postale, on voit nettement les deux parties du débarcadère et, plus loin, le brise-lames qui protège le chenal de la houle de Sud. Un bateau est amarré à l'entrée du chenal.

Détail de la carte postale précédente.

Dès leur arrivée en août 1940, les forces d'occupation allemandes réquisitionnent des bateaux de pêche. C'est notamment le cas, entre le 19 août et le 7 octobre 1940, de celui d'Alain Narvor, du village de Kerbouron, baptisé "Canté". Rendu à son propriétaire, il reprendra son activité au port de Canté, bien évidemment dans les limites imposées par l'occupant (pêche interdite au-delà de 3 miles des côtes).

Correspondance du Préfet du Finistère avec la Kriegsmarinedienstelle de Bordeaux. Source: archives.finistere.fr

Des soldats allemands étaient cantonnés à Canté où une casemate-abri avait été construite (Q23), flanquée d'un tobrouk encore présent sur l'estran (3). Le 16 juin 1943, un jeune caporal allemand, Frantz Kotzur, 17 ans, sauve René Le Pape de la noyade à Canté (panneau informatif implanté à Canté). 

Après la Libération, et jusqu'à la fin des années 1940, il reste 6 bateaux à Canté.

Sur cette carte postale, sans doute des années 1950 ("La plage du Canté"), on voit deux bateaux, dont un, à gauche, autour duquel on semble s'affairer. On voit bien le brise-lames, et on aperçoit , devant le bateau de gauche, le sommet du débarcadère.

Détail de la carte postale précédente.

A partir des années 1950, le nombre de pêcheurs attachés au port de Canté diminue.

On voit encore un bateau sur cette carte postale.

Les installations et les équipements ne sont plus entretenus et se dégradent.

Si le brise-lames tient bon, le débarcadère ne résiste pas aux assauts des tempêtes, et il finit par disparaître.

Sur cette photo aérienne de 2012, on voit toujours, ici cerclé de jaune, le brise-lames, mais le débarcadère a disparu. Mission photographique de l'Institut Géographique National du 24 juillet 2012. Source: remonterletemps.ign.fr

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