Sur le rivage de Plouhinec (Finistère), au pied de la "pyramide blanche de la Pierre du Chenal" (1), gît un gros objet métallique rouillé.
De quoi s'agit-il ? Est-ce tombé d'un bateau lors d'une tempête, ou est-ce un pièce échappée d'une épave coulée au large.
Rappelons qu'autour et sur la Gamelle, haut-fond qui barre l'entrée du port d'Audierne, gisent des épaves datant de la seconde guerre mondiale (2).
La tôle est tordue, pliée, arrachée par endroits sous les effets de la houle et des vagues de tempête qui précipitent cet objet sur les rochers de l'estran.
Parfois, lors de marées hautes, cet objet est déplacé d'un côté ou de l'autre du pied de la pyramide.
A Plonévez-Porzay (Finistère), sur la plage entre les pointes de Beg an Ty Garde et de Tréfeuntec, des bancs d'hermelles (Sabellariaa alveolata) recouvrent les rochers au pied des falaises.
Mai 2018.
Ces bancs d'hermelles sont en fait des colonies de centaines, voire de milliers de vers minuscules (quelques centimètres de longueur) dont chacun, pour s'abriter, construit un tube avec des grains de sable qu'il agglomère avec un "ciment" biologique qu'il secrète.
Cette espèce est présente du Nord de l'Angleterre au Sud du Maroc. Dans la baie du Mont Saint Michel, elle a construit un véritable récif qui couvre près de 250 hectares (1). On en rencontre en plusieurs endroits de la baie de Douarnenez. Une colonie d'hermelles, à Trezmalaouen en Kerlaz, a été signalée dans ce blog (2).
Juillet 2018.
Les hermelles se nourrissent en collectant dans l'eau de mer, grâce à de minuscules tentacules, des particules en suspension (plancton).
Vue dorsale d'une hermelle hors de son tube. A gauche, la tête en forme de couronne qui lui sert à operculer le tube dans lequel elle vit. C. Stanislas Dubois. Ifremer. Tous droits réservés. Source: https://www.hermelles.fr/Decouvrir-les-Hermelles/Biologie-des-Hermelles
Septembre 2018.
Sur ce rocher, des hermelles cohabitent avec de jeunes moules.
Sur les deux photos qui précèdent, on distingue les excréments de la colonie au fond du trou d'eau dans lequel baigne ce banc d'hermelles.
Les bancs d'hermelles abritent une microfaune qui s'y réfugie: vers, larves et juvéniles de crustacés, etc.
Sur les plages de Lestrevet en Plomodiern et de Pentrez en Saint-Nic (Finistère) qui forment ensemble la Lieue de grève, on trouve parfois des coquilles Saint-Jacques (Pecten maximus). Janvier 2018.
Les coquilles Saint-Jacques sont des mollusques bivalves dont la coquille est composée de deux valves reliées le long d'un de leurs bords par un ligament souple leur permettant de s'ouvrir et de se fermer.
La particularité de cette espèce est que ses deux valves n'ont pas la même forme: la valve supérieure est plate, tandis que la valve inférieure est bombée
Cette valve, dont l'intérieur est colonisée par un ver (Serpule triangulaire) qui secrète un tube calcaire dans lequel il s'abrite, a séjourné longtemps dans l'eau avant de s'échouer sur le sable de la plage.
Vivantes, les coquilles Saint-Jacques sont bordées de tentacules sensitifs courts ainsi que de nombreux organes photosensibles ressemblant à des yeux.
Dugornay Olivier (2010). Gros plan sur l'œil d'une coquille Saint-Jacques (Pecten maximus). Ifremer. Tous droits réservées. Source: https://image.ifremer.fr/data/00570/68228/
La coquille Saint-Jacques possède aussi un système sensitif olfactif très développé qui lui permet de détecter un de ses prédateurs, l'étoile de mer. Ainsi alertée, elle claque ses valves pour chasser l'eau contenue dans ses tissus et se propulse pour s'enfuir.
Hermaphrodite, la coquille Saint-Jacques a une glande génitale composée de deux parties: une partie mâle blanchâtre et une partie femelle orangée, de taille réduite en période de repos sexuel.
Près du village de Kersiguénou, au nord de l'anse de Dinan, sur la presqu'île de Crozon (Finistère), une source laisse des dépôts de couleur orange qui rappelle celle de la rouille au pied de la falaise qui borde la plage.
La source, pointée par la flèche rouge, au pied de la falaise.
Détail de la photo précédente.
Cerclée de rouge, la localisation de la source de la falaise de Kersiguénou. Carte topographique. Source: geoportail.gouv.fr
A l'autre extrémité de l'anse de Dinan, près du village de Goulien, c'est un suintement dans la falaise qui dépose également des traces de couleur orange.
Cerclée de rouge, la localisation du suintement de la falaise de Kersiguénou. Carte topographique. Source: geoportail.gouv.fr
Dans les deux cas, on pense inévitablement à de l'oxyde de fer, et donc à la présence de fer en quantité relativement importante dans les roches traversées par l'eau. Or, si des formations géologiques riches en fer sont connues dans la presqu'île de Crozon, ce métal n'est pas mentionné pour les roches présentes tant dans les falaises de Kersiguénou que dans celles de Goulien (cf Notice explicative de la carte géologique de la France au 1/50.000 feuille de Brest).
Dans le même secteur de Kersiguénou, des traces, probablement de cuivre, ont aussi été repérées alors que ce métal n'est pas non plus signalé dans la Notice explicative de la carte géologique correspondante (1).
Carte géologique de la France a 1/50.000. Feuille de Brest. Source: géoportail.gouv.fr
La falaise de Kersiguénou est une formation de grès armoricain (de couleur gris-brun sur la carte géologique ci-dessus) reposant sur un socle briovérien (Phyllades de la baie de Douarnenez ici de couleur bleu foncé)
Carte géologique de la France a 1/50.000. Feuilles de Brest et Douarnenez. Source: géoportail.gouv.fr
La falaise de Goulien est aussi une formation de grès armoricain (de couleur gris-brun sur cette carte) reposant sur un socle briovérien (Phyllades de la baie de Douarnenez de couleur bleu foncé) (les différences de couleurs pour une même formation géologique tiennent à ce qu'on se trouve ici à la limite des feuilles contiguës de Brest et de Douarnenez de la carte géologique de la France à 1/50.000. Lors de l'établissement de ces cartes, des couleurs proches, mais non strictement semblables ont été adoptées pour une même formation géologique)
Bien connu de tous ceux qui fréquentent le port de Kérity-Penmarc'h, qu'ils soient touristes, plaisanciers ou pêcheurs, l'actuel bureau du port a une histoire singulière.
Aujourd'hui, outre l'administration du bureau du port, ce bâtiment abrite des associations: les Marins et amis du port de Kérity (MAPK) et la Voile associative penmarchaise (VAP) (1). Mais cette fonction civile est relativement récente.
A l'origine, il s'agit d'un corps de garde à vocation militaire.
Un corps de garde est un bâtiment destiné à abriter des soldats chargés de surveiller un point particulier ou une portion du littoral. Le guet de la mer visant à faire surveiller les côtes par les habitants des paroisses littorales remonte au Moyen Age, et il est uniformément et succinctement organisé pour le royaume par l'Ordonnance de la Marine d'août 1681. Ce sont les conflits opposant le royaume de France sous Louis XIV à des puissances navales (notamment les Provinces Unies des Pays-Bas et l'Angleterre) qui imposent de se prémunir d'attaques pouvant survenir tout au long de l'immense littoral du duché de Bretagne.
Livre quatrième de l'Ordonnance de la Marine d'août 1681. Source: gallica.bnf.fr
Tous les hommes de 18 à 60 ans sont susceptibles de participer au guet de la mer. Mais en sont notamment dispensés les matelots, charpentiers et autres ouvriers par ailleurs déjà tenus au service de la Marine du roi.
Il faut donc surveiller la mer et signaler les navires suspects de mauvaises intentions aux autorités et au reste de la population.
Livre quatrième de l'Ordonnance de la Marine d'août 1681. Source: gallica.bnf.fr
Il faut aussi, en cas de débarquement hostile, être en mesure d'y faire face en attendant l'arrivée de renforts.
Livre quatrième de l'Ordonnance de la Marine d'août 1681. Source: gallica.bnf.fr
Les paroisses sont organisées en capitaineries, qui sont donc chargées, non seulement de surveiller le littoral, mais aussi de le défendre en cas de nécessité.
La paroisse de Penmarc'h (Pennemarch dans le règlement de 1726) relève de la 14° capitainerie, dite d'Audierne.
Règlement pour la division et l'estenduë des Capitaineries Garde-Costes de Bretagne du 12 mars 1726. De par le Roy. Source: gallica.bnf.fr
Concernant à l'origine uniquement les paroisses situées à moins d'une demie lieue de la côte (un peu plus de 2 km), par une ordonnance de novembre 1701, l'obligation de participer au guet de la mer est étendue aux paroisses situées jusqu'à 2 lieues de la côte afin de faire face à un manque d'effectifs, .
Ce ne sont donc pas seulement les paroisses littorales qui sont astreintes au service des milices garde-côtes. Par exemple, Peumerit, Plonéour, Lanvern, Tréméoc, Plonéis, Penhars y sont également soumises.
En 1732, du fait de la création d'une nouvelle capitainerie à Bréhat, celle d'Audierne devient la 15° capitainerie de Bretagne. On parle maintenant de Penmarch & Treoultré.
Règlement et interprétation de celuy du 12 mars 1726 concernant la division et l'estenduë des Capitaineries Garde-Coste de Bretagne du 4 juillet 1732. De par le Roy. Source: gallica.bnf.fr
1734. Carte de la Capitainerie d'Audierne. Source: gallica.bnf.fr
Détail de la carte précédente. Le dessin encadré de rouge symbolise la présence d'un corps de garde. En l'occurrence, il s'agit sans doute de celui de Saint-Guénolé. On peut remarquer qu'en 1734, aucun corps de garde n'est symbolisé au niveau de Kérity dont la localisation est marquée par un cercle vert.
On l'a compris, les paroisses doivent avant tout fournir des hommes aux milices garde-côtes, lesquels sont astreints à participer à la surveillance du littoral et à participer à des exercices réguliers. Les paroisses ont aussi la charge d'édifier les corps de garde.
Règlement pour le service de la garde-coste du 28 janvier 1716. Source: gallica.bnf.fr
Sur certains points stratégiques de la côte, le corps de garde pouvait être bâti entièrement en pierres. C'est le cas de celui de Kérity.
Non seulement on enlève les hommes à leurs travaux, mais on les éloigne de leur maison et de leur famille. Ils ne font souvent pas preuve de l'assiduité que l'on attend d'eux, ce qui amène le roi à les rappeler régulièrement à l'ordre.
Ordonnance du roi Concernant le service des Milices garde-côtes de la province de Bretagne du 25 février 1756. De par le Roi. Source: gallica.bnf.fr
A compter de 1756, les 20 capitaineries comportent chacune à la fois des compagnies de paroisses uniquement chargées du guet de la mer et des compagnies détachées de 500 hommes chacune, instruits au maniement des armes et chargés de combattre. La moitié des effectifs des compagnies détachées est affectée aux batteries côtières "pour le service du canon".
Institution des compagnies détachées. Ordonnance du roi Concernant le service des Milices garde-côtes de la province de Bretagne du 25 février 1756. De par le Roi. Source: gallica.bnf.fr
Les hommes des compagnies détachées sont désignés par tirage au sort parmi les célibataires âgés de 18 à 45 ans mesurant au moins 5 pieds (1,52m), et à défaut de célibataires correspondant à ces critères, parmi les hommes mariés. Les hommes désignés par le sort peuvent se faire remplacer. On peut aussi se porter volontaire sans tirer au sort. La durée du service est de 5 ans.
Milices gardes-côtes. Compagnies détachées / Compagnies de canonniers / Compagnies de dragons. Source: https://www.musee-ernest-cognacq.fr/
Enfin, les paroisses doivent également contribuer financièrement aux dépenses des milices garde-côtes telles que les appointements des officiers, la solde des soldats des compagnies détachées (10.000 hommes au total pour la province de Bretagne), l'entretien des équipements, etc. qui se montent à 65.625 livres en 1759.
Ordonnance du Roi portant imposition pour la dépense annuelle de la Garde-côte de Bretagne du 27 août 1759. De par le Roi. Source: gallica.bnf.fr
Selon l'état ci-dessus, la paroisse de Penmarc'h (Pennemach) doit fournir 12 hommes pour les compagnies détachées et contribuer pour 78 livres et 15 sols. On peut comparer avec les paroisses voisines: par exemple, Plonéour doit fournir 36 hommes et contribuer pour 236 livres, et Plozévet doit fournir 38 hommes et contribuer pour 249 livres.
Les corps de garde répartis de place en place tout au long de la côte sont de deux types. Certains sont affectés à la seule surveillance du littoral, le guet de la mer. Ils sont assez simples et ne comprennent qu'un bâtiment généralement modeste destiné à abriter les hommes de la compagnie de paroisse. C'est le cas, par exemple, du corps de garde de la pointe du Souc'h en Plouhinec.
Corps de garde de la pointe du Souc'h en Plouhinec
Les corps de garde établis sur des points stratégiques sont plus conséquents parce qu'ils doivent abriter les hommes des compagnies détachées et notamment des canonniers. C'est le cas du corps de garde de Kérity qui comportait une batterie de canons.
On attribue la construction du corps de garde de Kérity à Vauban. C'est quelque peu abusif. Si Vauban a bien été chargé de la construction de fortifications importantes en Bretagne (autour de la rade de Brest - et notamment la presqu'île de Crozon dont Camaret -, Port-Louis et Lorient, Saint-Malo), il est douteux qu'il se soit occupé en personne de la constellation de corps de garde et de batteries côtières de second rang tels que Kérity, Saint-Guénolé, l'Île-Tudy ou Combrit. Au mieux, quelque ingénieur ayant travaillé sous ses ordres a pu se voir confier ce rôle (2). D'ailleurs, alors que Sébastien Le Prestre de Vauban décède en 1707, on peut remarquer que, d'après la carte de 1734 de la capitainerie d'Audierne reproduite plus haut, il n'y a à cette date aucun corps de garde à Kérity, alors que ceux de l'Île-Tudy et de la pointe de Combrit y figurent déjà.
Carte des côtes de Bretagne avec position et numérotation des batteries (1700-1800). Source: gallica.bnf.fr
Sur cette "Carte des côtes de Bretagne avec position et numérotation des batteries", une batterie numérotée 38 est mentionnée à Saint-Pierre de Penmarc'h (ici cerclée de rouge), mais rien à Kérity dont la localisation est ici cerclée de vert. Malheureusement, l'imprécision de la date de publication de cette carte (1700-1800) ne permet pas de tirer de conclusion.
S'il est hasardeux d'attribuer la construction du corps de garde de Kérity à Vauban, il est en revanche plausible qu'elle soit consécutive à la nomination, en 1753, du duc d'Aiguillon comme commandant en chef de la Bretagne. En effet, c'est lui qui réorganise les milices de garde-côtes et les capitaineries à partir de 1756 pour les rendre plus efficaces.
Carte des côtes de Bretagne (1750-1800). Source: gallica.bnf.fr
Sur cette "Carte des côtes de Bretagne" (1750-1800) sont figurés un corps de garde (C.G.) à la pointe de Poulbriel (Pontbrienne), un à celle de Saint-Guénolé (St Guignolet), une tour à signaux à Saint-Pierre et une batterie à Kérity (Krit), alors appelé "Port de Penmark".
Détail de la carte précédente. La batterie côtière est figurée par un croissant rouge. Les traits rouges partant de la batterie figurent les potentiels tirs de canons.
C'est qu'à l'époque, Kérity est considéré comme LE port de Penmarc'h, et c'est ce qui justifie sans doute de le protéger contre une éventuelle incursion anglaise en y établissant non seulement un corps de garde, mais aussi une batterie côtière.
Ce qui confirme aujourd'hui qu'il y eut bien une batterie côtière à Kérity en plus d'un corps de garde, c'est que l'ancien magasin à poudre subsiste, aujourd'hui inclus dans une propriété voisine.
Immédiatement derrière le corps de garde, on aperçoit le magasin à poudre, ici indiqué par une flèche jaune.
Le pignon arrière du magasin à poudre.
Le toit du magasin à poudre.
Carte de la Pointe de Penmarch (1771-1785). Source: gallica.bnf.fr
Sur cette carte de la Pointe de Penmarch (1771-1785), on ne mentionne plus une batterie, mais un simple corps de garde (C de G de Keryty). Le conflit franco-britannique (Guerre de Sept ans de 1756 à 1763) s'étant apaisé, la batterie a sans doute été désarmée et les canons remisés dans un arsenal à Brest ou Lorient.
Carte de la côte du département du Finistère. (Après 1790). Pour examiner cette carte dans le même sens que celles qui précèdent, il conviendrait de la faire pivoter de 90° vers la gauche. Source: gallica.bnf.fr
Détail de la carte précédente. La batterie de Kérity (Kili) est représentée par un croissant rouge et par deux traits figurant la zone de tir du ou des canons.
Les tensions avec la Grande Bretagne nées de la Révolution française ont entraîné le réarmement de la batterie côtière de Kérity.
Le 7 avril 1793, Jean-Baptiste Lamy, nommé commissaire pour l'armement des batteries côtières du canton de Pont-l'Abbé par le directoire du département, doit rappeler les anciens canonniers garde-côtes au service, ou à défaut, des volontaires pour une période d'au moins trois mois. Il est aussi chargé de former les compagnies de la Garde Nationale et des apprentis canonniers. Enfin, il doit armer les batteries établies sur le littoral et leur donner toutes les fournitures nécessaires. Il s'agit des batteries de l'Île-Tudy, de Saint-Oual (en Loctudy), de Lesconil, de Guilvinec, de Kérity et de Saint-Pierre en Penmarc'h (Alain Signor, La Révolution à Pont-l'Abbé, pages 246 et 247).
C'est la commune de Pont-l'Abbé, rebaptisée Pont-Libre, qui doit procurer des chandelles aux batteries côtières et aux postes de douane, en plus de sa propre garnison. Les quantités à fournir varient selon les saisons et donc selon les besoins en éclairage (Alain Signor, pages 341 et 342):
On peut noter que les batteries et postes de douane de "l'Ysle-Tudy" et de "Keritty" sont les plus dotés, sans doute proportionnellement aux effectifs qui les servent.
Le 18 pluviôse de l'an II (6 février 1794), ordre est donné à la municipalité de Pont-Libre de remettre tous les fusils en sa possession ou en celle de particuliers pour être employés au service des batteries côtières et aux postes de douane (Alain Signor, page 345).
Le 21 germinal an II (10 avril 1794), Brutus David, adjoint général, chef de brigade, commandant à Quimper effectue une inspection des défenses de la côte depuis Douarnenez jusqu'à la rivière de Quimperlé. Concernant la batterie de "Querity Pain-Marc", il note:
Journal d'inspection des côtes en 1794. Extrait des Archives militaires à Vincennes. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère. 1967.
La batterie de Kérity est donc armée de deux canons en fonte de fer, provenant de la Marine (à l'époque, l'artillerie terrestre utilise des canons en bronze, plus compliqués et plus coûteux à fabriquer). Les calibres, 4 et 6, correspondent au poids des boulets exprimé en livres. Ces canons sont montés sur affûts de rempart dont j'avoue ignorer les particularités. Souvent, les batteries de côte étaient équipées d'affûts de côte reposant sur des rouleaux pour le recul, puis sur un châssis à roues capable de se mouvoir latéralement, ce qui permettait aux servants de la pièce de suivre le déplacement d'un navire croisant au large face à lui.
Ce rapport d'inspection nous renseigne également sur les effectifs de la compagnieaffectée à la batterie de Kérity: 10 canonniers, un caporal et un chef nommé Nonnat Le Tréon. Il s'agit probablement de Nonna Yves Le Traon, sieur de Belley (né le 20 juin 1737 à Penmarc'h et décédé le 27 août 1816 à Kérity), dont une généalogie nous dit qu'il était commis des fermes du roi à Quimper, et une autre qu'il était garde de batterie en 1814 (3)(4).
Un an plus tard, le 6 floréal de l'an III de la République (25 avril 1795), on retrouve les canonniers de la batterie de Kérity à propos du naufrage de la Galathée, frégate de la République:
« Ce jour six floréal an trois de la république une et indivisible, nous Jean Louis Legat juge de paix du canton de Plomeur, district de quimper, département du Finistère, sur l’avis verbal nous donné environ trois heures du matin qu’un navire était échoué sur la côte de Kérity nous nous sommes de suite transportés en compagnie de Michel Riou notre greffier jusqu’au près le corps de garde dudit lieu ou étant rendu y avons trouvé le chef des canonniers de cette batterie et les employés de la douane nationale lesquels nous ont fait remarquer à travers une brume très épaisse un navire démâté échoué qu’ils n’avaient premièrement pu distinguer que par le bruit de son artillerie, ce navire jusqu’alors inconnu continuant toujours à tirer du canon nous avons fait héler au brick le Jean Baptiste en chargement au port ... » (5)(6)(7)
Extrait des minutes du greffe de la justice de paix du canton de Plomeur.
Sur les 244 hommes d'équipage présents sur le Galathée, seuls 35 seront sauvés.
Du 6 au 10 floréal, des canonniers et des employés de la douane (ces derniers commandés par le lieutenant Paul Guilcher) prêteront leur concours au juge de paix du canton de Plomeur pour patrouiller le long de la côte afin de repérer, récupérer et mettre en sûreté tous les objets provenant de la frégate et amenés à la côte par la mer.
Le 7 prairial, il est procédé au décompte des indemnisations dues tant aux habitants qu'aux canonniers et aux employés de la douane pour les différents concours que les uns et les autres ont apportés au juge de paix du canton de Plomeur, dont:
« Indemnité aux canonniers de la batterie de Kérity au nombre de huit employés à la garde de la cote pendant cinq jours et cinq nuits quatre cent quatre-vingt livres …………..480
Aux huit employés de la douane du même endroit aussi pour pareil nombre de jours et nuits quatre cent quatre-vingt livres ………………………480
Au citoyen Guilcher leur lieutenant pour dix jours et cinq nuits cent cinquante livres …………….150 ».
Il y a donc aussi un important poste de douane à Kérity, avec au moins huit employés et leur lieutenant, Paul Guicher. On l'a vu plus haut, à l'époque, et depuis le Moyen Age, le port de Kérity est le plus important de Penmarc'h. Il a armé une flotte de bateaux faisant du cabotage le long de la côte atlantique, jusqu'en Espagne, et le long de la Manche et de la mer du Nord. Il est le seul, entre Audierne et Pont-l'Abbé, où des navires de quelque importance peuvent accoster pour charger et décharger des marchandises. En ces premières années de la République, les énormes besoins et les réquisitions de toutes natures, tant au profit des armées que de la population civile (céréales, vins, métaux, matières premières ...), justifient que tous les trafics de marchandises soient étroitement surveillés, en particulier dans les ports. C'est ce qui explique la présence d'un important effectif de douaniers au port de Kérity.
Les douaniers de Kérity partageaient-ils le corps de garde avec la compagnie de canonniers ? C'est douteux. Même si les effectifs de canonniers et d'employés de la douane n'étaient vraisemblablement pas complets en permanence, le corps de garde que l'on connaît n'était sans doute pas assez vaste pour abriter en même temps les deux effectifs, même partiels.
Par ailleurs, la douane disposait d'un magasin à Kérity. Il en est question à plusieurs reprises dans le rapport du juge de paix du canton de Plomeur qui y fait entreposer les effets de valeur qui sont récupérés tant le long du rivage que sur l'épave de la Galathée elle-même: « Les quatre charrettes requises s'étant rendu à la cote, nous les avons chargées des effets les plus conséquents parmi ceux ci-devant mentionnés pour le magasin à Kérity, ou nous nous sommes rendus après avoir recommandé à la municipalité occupée à faire monter la tente, aux employés de la douane et aux canonniers, la surveillance la plus exacte au long de la cote. Les objets chargés ayant été vérifiés et déposés au magasin nous avons fait fermer les portes dont une clef est restée en notre possession et l’autre en celle du citoyen Guilcher lieutenant de la douane. » (8).
Il n'a pas été possible de déceler où se trouvait ce magasin.
Après ce tragique événement, les archives ne font plus mention de la batterie de Kérity en période de guerre. Le corps de garde et son magasin à poudre figurent au cadastre levé en 1833.
Le corps de garde de Kérity et son magasin à poudre, ici encadrés de jaune, portent le numéro 1198. Extrait du cadastre de Penmarc'h. Section G2 de Kérity. 1833. Source: Archives départementales du Finistère.
Par décret impérial de mai 1858, les batteries côtières de "Kerity-Pen-Marck", Guilvinec et Raguénez sont affectées au service des douanes car devenues inutiles au service militaire (9).
Bulletin des lois de l'Empire français. XI° série. Premier semestre de 1858. Source: https://books.google.ps/
Le corps de garde, devenu poste de douane figure en tant que tel sur le plan du port de Kérity de l'Atlas des ports de France publié en 1879 (10).
Plan du port de Kérity (extrait). Atlas des ports de France. 1879. Source: Archives départementales du Finistère.
Outre leur activité de contrôle des mouvements de marchandises sur le port de Kérity, certains douaniers font partie du comité local de la Société centrale de sauvetage des naufragés (SCSN) et sont parfois appelés à participer au sauvetage de bateaux en perdition (11). A travers les activités de cette société de sauvetage et des comptes-rendus des Annales du sauvetage maritime, on rencontre le nom de certains de ces douaniers.
1868, François-Marie Hulz, lieutenant des douanes. Décembre 1876, sous la direction du lieutenant Cornec, et grâce à un canon porte-amarres, les douaniers, dont le brigadier Guénégaud, permettent de mettre en sécurité l'équipage d'une goélette norvégienne sur la côte de Tréguennec. 1879, le lieutenant des douanes Martin remplace le lieutenant Cornec au comité de sauvetage de Kérity. Octobre 1879, le brigadier Huyard, le sous-brigadier Crozon, les préposes Le Goff, Gallo et Malissier se rendent avec leur matériel de sauvetage sur la grève de Pors-Carn où un trois-mâts norvégien s'est échoué. Octobre 1881, le brigadier Hélias, les préposés Crozon, Le Marc, Touller et Riou se rendent avec leur matériel de sauvetage sur la grève de Pors-Carn pour aider au sauvetage de cinq bateaux de pêche de Saint-Pierre et Saint-Guénolé. 1892, le secrétaire du comité de sauvetage est le lieutenant Courtel. 1896, le brigadier Auguste Béliard sauve un enfant tombé dans le port. 1897, le secrétaire du comité de sauvetage est le lieutenant Marguerie; un brigadier Alain Le Gall.
Douaniers 1876-1887. Brigadier en grande tenue. Préposé en collet-manteau. Ernest Fort. Source: https://histoire-de-la-douane.org/
Le corps de garde de Kérity abritera un douanier au moins jusqu'en 1963 (12). Acheté par la municipalité et remis en état, à partir de 1996, c'est dans ce local que Corentin Cadiou, alors maire de Penmarc'h, assure une permanence une fois par mois (13). En 2007, il abrite le bureau du port et en particulier l'association des marins et amis du port de Kérity (MAPK) qui représente professionnels et plaisanciers au sein d'un conseil portuaire (14).