La mer dépose des quantités de petits bulbes transparents et gélatineux sur le sable de la plage de Trezmalaouen en Kerlaz (Finistère). Juillet 2021.
Ce sont des groseilles de mer (Pleurobrachia pileus), petits animaux carnivores dotés de longs tentacules rétractiles leur servant à capturer des proies (tentacules invisibles sur ces photos).
Leur prolifération, particulièrement remarquée au cours de cet été 2021, est favorisée par celle de certaines algues (bloom phytoplanctonique ou efflorescence algale).
Si cette espèce n'est ni irritante, ni allergène pour l'homme, sa prolifération peut colmater les filets de pêche ou des grilles de filtration.
Sur la plage de Tréogat (Finistère), le corps d'un requin peau bleue (Prionace glauca) a été déposé par la mer tout près de l'exutoire de l'étang de Trunvel. Juillet 2021.
On retrouve bien sa silhouette effilée caractéristique et son long museau.
Il est assez rare de trouver sur l'estran des spécimens de cette espèce, si l'on compare à la fréquence des découvertes de dauphins, marsouins ou phoques.
Cette espèce n'est pas considérée comme dangereuse.
C'est le nom d'un lieu-dit de Plonévez-Porzay (Finistère), à l'extrémité Sud de la plage de Sainte-Anne-la-Palud. Il désigne, au Nord du village de Tréfeuntec, une pointe qui protège de la houle d'Ouest une petite anse où coule le ruisseau Le Lapic.
Carte topographique I.G.N. au 1/25.000. Source: geoportail.gouv.fr
Quel toponyme intriguant ! Non pas pour ce qu'il signifie, parce que son sens est assez clair pour qui possède un minimum de connaissances en breton. Beg, c'est la pointe ... par exemple, Beg ar Raz, c'est la pointe du Raz. Ty, c'est la maison (pour ty, l'Office de la langue bretonne nous dit "demeure, maison, édifice historiquement isolé, construit en pierres, destiné à servir de logement ou pour toute autre activité"). Et Garde, c'est ... garde, nom commun français, soit masculin, soit féminin, selon le contexte. Autrement dit, Beg an Ty Garde, c'est la pointe de la maison du garde, ou de la garde, comme on veut.
C'est cette forme qui apparaît sur la carte topographique actuelle, mais on trouve parfois ce toponyme écrit Beg an Ty Gard ou Beg Ty Gard, et le sens est le même.
Donc, le sens du toponyme est assez clair. S'il est intriguant, c'est pour son origine, pour la raison qui l'a fait baptiser ainsi.
Il y aurait donc la maison d'un garde sur cette pointe ... ou une maison où l'on monte la garde ? A première vue, aujourd'hui, non, aucune trace de maison ou d'édifice sur cette pointe.
Beg an Ty Garde. mai 2021.
Toutefois, à y regarder de plus près, on dirait bien qu'il y a une forme, pratiquement à l'extrémité de cette pointe, une forme carrée ou rectangulaire qui fait penser à des fondations, ou quelque chose comme ça.
Beg an Ty Garde. mai 2021.
Ce serait des vestiges d'une maison de garde ?
Que nous disent les archives directement accessibles, notamment sur Internet, au sujet de Beg an Ty Garde ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien.
On doit une mention explicite à Roger Garrec, dans son ouvrage "PLONEVEZ-PORZAY un terroir du pays glazik", page 269 (1). A propos du village de Tréfeuntec, il écrit:
« Mentionnons enfin les deux douaniers qui en 1856 sont logés au village ; le nom de Beg-Ty-Garde donné à la pointe rappelle encore le souvenir de leur présence vigilante sur les bords de la baie de Douarnenez. Sise en pleine terre, au haut du plateau, une habitation isolée, "ty ar gonidou", était entourée autrefois par les maisons des gardes-côtes et des douaniers. »
Ty ar Gonidou sur le cadastre de 1851 de Plonévez-Porzay. Source: archives.finistere.fr
D'après le cadastre de 1851, pas d'autre maison autour ou à proximité de Ty ar Gonidou. Retenons cependant que, selon Roger Garrec, il y avait une relation de douaniers et de gardes-côtes avec Beg-ty-Garde.
Mais puisqu'il est question du cadastre de 1851, voyons ce qu'il en est de Beg an Ty Garde.
Le tableau d'assemblage du cadastre de 1851 mentionne un "corps de garde" sur la pointe en question. Source: archives.finistere.fr (2)
Extrait du plan de la "1ère feuille de la section H de Tréfentec" du cadastre de 1851 de Plonévez-Porzay. Source: archives.finistere.fr (3)
Le corps de garde est donc la parcelle n° 2 de cette feuille. On peut remarquer qu'un chemin plus ou moins parallèle au trait de côte semble desservir le corps de garde.
L'état des sections du cadastre confirme que cette parcelle n° 2 est un corps de garde, précise qu'elle relève du Domaine de l'état et qu'elle couvre une superficie de 30 centiares, soit 30 m²(4).
Les parcelles n° 1, 3, 4 et 5 qui entourent le corps de garde sont appelées "terrien an ty gard". Le terme "terrien" semble ignoré de l'Office de la langue bretonne, mais selon Gilles Goyat, dans sa thèse de doctorat sur le parler breton de Plozévet, "terrien" aurait le sens de "terre non cultivée" (5). Il est probable que ce terme avait le même sens à Plonévez-Porzay. "Terrien an ty gard" est donc une "terre non cultivée de la maison du garde" ou "terre non cultivée du corps de garde". Ces parcelles appartiennent alors à des particuliers.
"An ty gard", c'est donc bien "le corps de garde".
Puisque, par chance, la commune de Plonévez-Porzay dispose d'un cadastre antérieur à 1851, voyons ce qu'il en était en 1810.
Le tableau d'assemblage du cadastre de 1810 mentionne déjà un "corps de garde" sur cette pointe. Source: archives.finistere.fr (6)
Extrait du plan de la "1ère feuille de la section F dite de la Pointe" du cadastre de 1810 de Plonévez-Porzay. Source: archives.finistere.fr (7)
Le corps de garde, qui porte le n° 26 sur l'état des sections, relève alors du "Domaine Impérial" et présente une superficie de 0,00,70 "arpents métriques" (8)(bien que la loi imposant l'utilisation du système métrique décimal date de 1795, les anciennes mesures comme l'arpent continuent d'être utilisées, y compris par l'administration pour être facilement appréhendées par les usagers, et en particulier par les populations rurales et agricoles).
Outre ce qu'en dit Roger Garrec, on trouve sur Internet une mention dans l'Inventaire en ligne du patrimoine culturel de Bretagne (9): "Batterie de côte, corps de garde et retranchements (détruits: ?), Beg an Ty Garde (Plonévez-Porzay)".
Mais on n'y découvre que la reproduction du tableau d'assemblage du cadastre de 1851, ainsi que des extraits de la feuille de "Tréfentec" de ce même cadastre, documents également reproduits ci-dessus. On y trouve aussi une "description" qui laisse penser que subsisterait un rez-de-chaussée. Il faut sans doute entendre par là qu'il ne reste aucun mur en élévation.
Il faut noter que la parcelle en photo en début d'article porte aussi le n° 0026 sur le cadastre moderne, comme sur celui de 1810, mais c'est sans doute pur hasard.
Sur cette image, le tracé des parcelles du cadastre (en orange) a été superposé à une photographie aérienne (10). Le vestige en photo au début de cet article est ici encadré de rouge. On voit que la superposition du tracé du cadastre avec la photographie aérienne n'est pas parfaite: le tracé du cadastre est décalé à la fois vers le bas et vers la gauche. Source: geoportail.gouv.fr
La comparaison de cette image du cadastre moderne avec les extraits des cadastres de 1810 et 1851, montre clairement que, sur les anciens cadastres, le corps de garde n'est pas localisé à la toute extrémité de la pointe.
Sur le cadastre moderne, la position du corps de garde pourrait correspondre avec la position de la parcelle n° 0028 du cadastre moderne. Bien évidemment, il faut aussi tenir compte du décalage relevé plus haut entre le tracé des parcelles cadastrales et la photographie aérienne. Source: geoportail.gouv.fr
Que trouve-t-on sur le terrain, à l'emplacement de la parcelle 0028 du cadastre moderne ? Sous la végétation, on devine une forme.
La forme que l'on devine sous la végétation à l'emplacement de la parcelle n° 0028 n'est pas très lisible sur ce cliché.
Sur ce même cliché, les lignes rouges donnent une idée plus nette de la forme qui se trouve sur la parcelle n° 0028.
Le même site, vu d'un autre point.
Il s'agit donc sans doute des vestiges du corps de garde proprement dit, tel qu'il est localisé sur les cadastres de 1810 et 1851. Sur place, on distingue nettement une forme plus ou moins rectangulaire, aux angles arrondis, grossièrement orientée Est-Ouest. Des "talus", correspondant vraisemblablement à des vestiges de murs, entourent une partie en creux.
Sur une photo aérienne, on distingue ces vestiges.
Sur cette photo aérienne, on voit, à gauche, encadré de rouge, le vestige de l'extrême pointe, et à droite, la forme des "talus" entourant un espace en creux. Photo I.G.N. Source: geoportail.gouv.fr
Si, comme c'est probable, le corps de garde se trouvait bien à l'emplacement de la parcelle n° 0028 du cadastre moderne, qu'était donc la construction qui se trouvait à l'extrême pointe (parcelle n° 0026) ? Peut-être une annexe du corps de garde, une position avancée permettant une meilleure surveillance du littoral.
Un correspondant, membre d'une association de Plonévez-Porzay, m'indique qu'il s'agirait d'un abri de chasse construit pour le compte de M. Halna du Fretay qui venait y tirer les oiseaux marins. Il s'agit sans doute de Maurice Halna du Fretay, propriétaire du Vieux Châtel en Kerlaz où il est décédé en 1901 (à cette époque, Kerlaz était un "village" de Plonévez-Porzay). Mais ce correspondant ne m'indique pas ses sources.
Les dimensions intérieures du vestige de la pointe sont d'environ 3,15 m X 3,80 m, soit une surface d'environ 12 m². Il est difficile d'estimer les dimensions de ce qui reste du corps de garde lui-même, les anciens murs étant réduits à l'état de talus informes. Mais le cadastre de 1851 nous indiquait une superficie de 30 m².
Une trace au sol, actuellement marquée par le passage des randonneurs, pourrait être l'emplacement de l'entrée de la construction qui se trouvait à la pointe (notée A sur la photo qui précède).
Une autre trace, moins nette (notée B sur la photo qui précède) pourrait marquer l'emplacement d'un autre accès sur le côté de cette construction. Seule une fouille pourrait confirmer ou infirmer ces observations.
Le mur faisant face à l'extrémité de la pointe présente encore une petite élévation de 15 à 20 cm au plus haut.
Un autre reste de maçonnerie subsiste sur le côté opposé, à côté de l'entrée A supposée.
On ne dispose pas d'image du corps de garde proprement dit, mais deux cartes postales nous offrent une vue partielle de la construction qui se trouvait à l'extrême pointe.
Tout ce que l'on peut conclure de ces vues, c'est que cette construction avait une forme voutée et que la face tournée vers l'Ouest était munie de deux ouvertures rectangulaires. Celles-ci devaient permettre de surveiller ce côté de la baie de Douarnenez en restant abrité des intempéries.
Le corps de garde de Beg an Ty Garde figurait donc au cadastre de 1810. Mais de quand datait-il ?
L'Inventaire en ligne du patrimoine culturel de Bretagne (13) indique comme périodes principales le 4ème quart du 17° siècle et le 18° siècle et comme période secondaire la 1ère moitié du 19° siècle.
Il nous faut donc tenter de cerner son origine en remontant le temps grâce aux ressources disponibles comme, par exemple, la cartographie et, entre autres, la cartographie marine.
Sur la Carte de l'état major, dont la feuille dite de Quimper a été levée en 1853, le corps de garde est figuré à Beg an Ty Garde sous la forme d'un rectangle rouge.
Carte de l'état major, feuille n° 72 Quimper, levée en 1853. Détail. Source: geoportail.gouv.fr
Carte de l'état major, feuille n° 72 Quimper, levée en 1853. Détail. Source: geoportail.gouv.fr (14)
La Carte particulière des côtes de France (Rade de Brest et baie de Douarnenez), levée en 1816 et 1817 par les Ingénieurs hydrographes de la Marine (recueil intitulé Pilote Français)(15) ne figure pas le corps de garde de Beg an Ty Garde. Ça n'est pas étonnant, ces cartes marines mentionnent essentiellement les édifices susceptibles de servir de repère pour la navigation, et la configuration de cette côte, au fond de la baie de Douarnenez ne justifiait sans doute pas qu'on y représente ce corps de garde.
Carte particulière des côtes de France (Rade de Brest et baie de Douarnenez), (Pilote Français) levée en 1816-1817. Détail. Source: geoportail.gouv.fr
Le corps de garde de Beg an Ty Garde est mentionné sur la feuille "Carhaix" de la Carte dite de Cassini, levée en 1782-1783.
Carte de Cassini. 1782-1783. Feuille "Carhaix". Détail. Source: gallica.bnf.fr (16)
Il figure aussi sur la Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier (1771-1785) (17).
Carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier (1771-1785). Détail. Source: gallica.bnf.fr
On trouve encore le corps de garde sur une Carte des côtes de Bretagne (1750-1800)(18), faisant partie d'une série qui couvre, elle aussi, la côte bretonne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à la baie de Bourgneuf.
Feuille de la baie de Douarnenez de la Carte des côtes de Bretagne (1750-1800). Source: gallica.bnf.fr
Feuille de la baie de Douarnenez de la Carte des côtes de Bretagne (1750-1800). Détail. Source: gallica.bnf.fr
Cette carte est particulièrement intéressante parce qu'en plus d'y figurer les corps de garde comme ceux de Beg an Ty Garde ou Tal ar Grip en Plomodiern, elle figure aussi les batteries de côte, c'est-à-dire les sites équipés de canons comme à Morgat ou Douarnenez.
Sur cet extrait de la feuille de la baie de Douarnenez de la Carte des côtes de Bretagne, on voit les batteries (notées Batt.) qui protègent l'anse de Morgat. Même source que ci-dessus.
Sur cet autre extrait, on voit les batteries de l'île Tristan et du Rosmeur, symbolisées ici par des traits rayonnant représentant des trajectoires de canon, et qui protègent le port de Douarnenez. Même source que ci-dessus.
Cette carte nous apprend donc que le site de Beg an Ty Garde n'était pas une batterie, mais un simple poste de surveillance que la terminologie officielle d'alors appelait un "corps-de-garde d'observation & signaux" .
Les batteries armées de canons et les simples "corps-de-garde d'observation & signaux" sont alors regroupés en capitaineries en charge de la surveillance et de la défense de portions du littoral contre d'éventuelles attaques. Cette institution est héritée des milices garde-côtes, elles-mêmes ayant succédé au guet de la mer, né au moyen-âge.
Au début du 18° siècle, les côtes de la baie de Douarnenez et celles d'une partie de la rade de Brest relèvent de la capitainerie de Crozon. Ainsi, un règlement du 12 mars 1726 édicte que «Les Costes Maritimes de Bretagne seront divisées en vingt-neuf Capitaineries Garde-Costes», et que Plonévez-Porzay fera partie de la 13° capitainerie (un règlement du 4 juillet 1732 porte à 31 le nombre des capitaineries de Bretagne et Plonévez-Porzay fera alors partie de la 14° capitainerie, toujours de Crozon) (19).
Paroisses relevant de la capitainerie de Crozon selon le règlement du 12 mars 1726 (20). Source: Gallica.bnf.fr
On le voit, des paroisses ne se trouvant pas directement sur le littoral, comme Châteaulin ou Lothey, dépendent aussi de la capitainerie. Elles sont supposées fournir des hommes pour la garde et la surveillance des côtes, et payer des impôts pour subvenir aux besoins de la capitainerie.
Une ordonnance royale du 27 août 1759 portant imposition pour la dépense annuelle de la Garde-côte de Bretagne décide que Plounévez-Porzay devra fournir 30 hommes et payer 196 livres 17 sous et 6 deniers (21). Source: gallica.bnf.fr
Mais l'organisation de la capitainerie de Crozon est loin d'être satisfaisante. En 1734, on entreprend d'en dresser une carte détaillée en s'appuyant sur des cartes existantes.
Ébauche de la carte de la capitainerie de Crozon. Avril 1734. Source: gallica.bnf.fr (22)
Lieux qu'on ne trouve point sur les cartes. Ébauche de la carte de la capitainerie de Crozon. Avril 1734. Détail. Source: gallica.bnf.fr
Une note en 6 points du 15 juillet 1734 (23), accompagnant cette ébauche de carte, indique notamment:
« 1°. Il seroit à souhaiter que des personnes intelligentes de la Province ajoutassent sur cette carte la position des lieux qu'on n'a point trouvés dans les cartes; sçavoir les Paroisses de L'Operhet, Hanvec, Saint Coulit, L'Opérec, Saint Nic, Plounevez-Porzay. [...] 3°. Il conviendroit de fixer le nombre et la situation des corps de garde avec les batteries qui se trouvent le long de la côte en distinguant les corps de garde aussi bien que les batteries qui peuvent être ruinés.»
Cette note comporte en tête le nom de M. de Moëlien. En est-il l'expéditeur ou le destinataire ? Ce nom est bien connu à Plonévez-Porzay: au 18° siècle, la seigneurie de Moëllien s'étendait alors sur la moitié de la paroisse. De plus, les Moëllien ont un rapport direct avec la capitainerie de Crozon: Nicolas de Moëllien, décédé entre 1643 et 1653, avait été "capitaine garde-côte de Douarnenez", tout comme son fils Sébastien, "capitaine garde-côte de l'évêché de Cornouaille" (site Internet geneanet.org); et dans son ouvrage, Roger Garrec évoque le décès, en 1761, de Guy Guillaume de Moëllien "capitaine général du bataillon de milice garde-côtes de Crozon et Camaret".
Dans le même dossier du Service hydrographique de la marine, se trouve ce qui est probablement la réponse à la correspondance précédente et qui comporte notamment un croquis de la capitainerie de Crozon (24).
Sur ce croquis, on reconnaît à droite la rade de Brest et à gauche la baie de Douarnenez. Pour se conformer aux normes modernes de représentation cartographique, il conviendrait de faire pivoter ce croquis de 90° sur la gauche. Source: gallica.bnf.fr
En réponse à la note du 15 juillet 1734, l'auteur de ce croquis y joint un commentaire (25):
« A l'égard des six paroisses que vous me marquez obmises dans le mémoire que vous m'avez envoyé, elles sont toutes de la capitainerie, étant toutes le long de la coste.
Loperhet est sur le bras de mer ou (illisible) qui conduit de Brest à Landerneau.
Hanvec est à une demi lieue du Faou.
St Coulit est à une demi lieue de Chataulin et du port de Launay où la mer va.
Lopérec est à une lieue du port de Launay
St Nic où il y a un corps de garde donne sur la lieue de grève et n'en est qu'à une demi lieue
Plounevez porzay où il y a un corps de garde donne sur la bay de Douarnenez, et n'est qu'à une demi lieue de cette bay. Voilà les positions (illisible) de tous ces endroits.
Il y a encore quelques paroisses qui sont (illisible) de la capitainerie obmises dans la carte que vous avez envoyé
… »
Le corps de garde de "Plounenvez porzay" mentionné ici est celui de Beg an Ty Garde. Suivent quelques précisions concernant d'autres paroisses dépendant de la capitainerie de Crozon, qu'il n'est pas utile de reproduire ici.
On arrive à déchiffrer la plupart des mentions figurant sur ce croquis de la baie de Douarnenez. Source: gallica.bnf.fr
Il faut surtout retenir de cette réponse que, dès 1734, il y avait des corps de garde à Plonévez-Porzay, Plomodiern, Saint-Nic et Telgruc, relevant de la capitainerie de Crozon.
Si l'on remonte plus avant dans le temps, on ne trouve plus mention d'un corps de garde à Beg an Ty Garde. Une "Carte des environs de Brest depuis Abeurac jusques au Ras", du 4 octobre 1694 et portant la signature de Sébastien Le Prestre de Vauban, mentionne des "retranchements à faire" et des "redoutes à faire" notamment à Sainte-Anne-la-Palud, à l'anse de Kervigen et à la Lieue de grève entre Plomodiern et Saint-Nic (26).
Carte de la coste de Bretagne aux environs de Brest depuis Abeurac jusques au Ras. 4 octobre 1694. Source: gallica.bnf.fr
Cette carte est sans doute établie suite à la tentative anglo-hollandaise de débarquement à Camaret des 17 et 18 juin 1694. La stratégie envisagée par Vauban consiste donc organiser la défense des plages où une autre tentative de débarquement est à craindre, mais elle ne prévoit apparemment pas de corps de garde à Tréfeuntec.
Carte de la coste de Bretagne aux environs de Brest depuis Abeurac jusques au Ras. 4 octobre 1694. Détail. Source: gallica.bnf.fr
Sur cette carte, les seuls corps de garde mentionnés sont ceux de la rade de Brest et celui de Morgat.
Le corps de garde et les batteries (notées Be) de Morgat sur la Carte des environs de Brest de 1694. Détail. Même source que ci-dessus.
Les corps de garde étaient construits et entretenus par les paroisses où ils se trouvaient. Un Règlement pour le service de la Garde-Coste, enregistré au parlement le 28 mai 1716 (27), prescrit:
« Titre VII. Article premier.
Les Corps-de-Garde lorsqu'on en aura besoin, seront construits par corvées des Paroisses de la Capitainerie où ils seront établis.
Article II
Lesdites Paroisses fourniront ce qui sera nécessaire pour la construction desdits Corps-de-Garde, qui seront faits suivant la nature des lieux de planches ou de solives, avec de la terre entre deux, & couverts de chaume ou autre matière commune dans le Pays; fourniront aussi les Tables, Bancs, Chaises, Rateliers & autres choses nécessaires, tant pour lesdits Corps-de-Garde, que pour les Plattes-formes […] Article IV
Lorsque les Corps-de-Garde et les Plattes-formes ne seront plus nécessaires, ils seront démolis par corvées des mesmes paroisses […] A l'égard des Corps-de-Garde qui se trouveront bastis de pierre ou de brique, ils ne seront point démolis, les fenestres et les portes en seront bouchées & les couvertures seront entretenues. »
A quoi pouvait donc ressembler le corps de garde de Beg an Ty Garde ?
Les archives départementales d'Ille et Vilaine conservent des dessins d'un certain Dubreuil du Marchais, datés de 1744 et représentant des corps de garde et signaux à construire. On peut aussi trouver ces dessins sur le site patrimoine.region-bretagne.fr (28)
Plan, profil et élévation du petit corps de garde et signeaux projeté à faire à la pointe de Rostuder au cap de la Chèvre paroisse de Crozon. Fait à Brest le 8 juin 1744. Source: archives départementales d'Ille et Vilaine.
Faute d'archive le concernant, rien n'indique que le corps de garde de Beg an Ty Garde ait ressemblé à celui dessiné ci-dessus.
Les dimensions extérieures en longueur et en largeur du corps de garde projeté au Cap de la Chèvre sont d'environ 2 toises et 2 pieds, soit 4,27 m et une surface hors tout de 18 m². On ignore si le corps de garde de Beg an Ty Garde occupait la totalité des 30 m² de la parcelle figurant au cadastre de 1851 de Plonévez-Porzay ou seulement une partie, le reste correspondant à du terrain.
Profil en travers du corps de garde de Poulhan paroisse de Plouzevet où la voute et la cheminée sont à refaire à neuf. Fait à Brest le 8 juin 1744. Source: archives départementales d'Ille et Vilaine.
Une Ordonnance du roi en date du 23 avril 1780 règle le Service aux batteries et corps de garde d'observation et signaux établis sur les côtes (29):
« Article 3 du Titre Premier
Dans tout département, le service aux batteries, corps-de-garde d'observation & signaux de la côte, sera partagé en service d'été & en service d'hiver; le service d'été commencera au premier jour du mois de Mai, & finira au dernier jour d'Octobre; le service d'hiver commencera au premier Novembre, & finira au dernier Avril.
[On jugeait qu'en hiver, le risque d'attaque était moindre et le service aux corps-de-garde d'observation et aux signaux cessait du 1er novembre au 30 avril (article 6 du Titre Deux), et les batteries pouvaient être désarmées ] Article 7 du Titre Trois
Il y aura dans chaque corps de garde d'observation, pendant la durée du service à la côte, quatre fusils pour la sûreté des Soldats du Guet qui y feront la garde
Article premier du Titre Huit.
Il sera établi à quelques-uns des corps-de-garde d'observation où doivent se faire les signaux, une pièce de canon & ses pièces d'arme sans affût, & il y aura toujours dans chacun desdits corps-de-garde, pendant la durée du service d'été, trois charges de poudre pour la pièce, dans un coffret ou garde-feu, dont la clef sera entre les mains du Commandant du poste.
Article 2 Le signal d'alarme, soit de jour, soit de nuit, sera marqué par trois coups de canon tirés de la batterie la plus à portée de l'ennemi […]»
Le corps de garde de Beg an Ty Garde devait donc être équipé d'un canon permettant de tirer "à blanc" pour avertir les autres canonniers de la côté et ceux des paroisses de l'intérieur si un vaisseau ennemi était aperçu.
Bien qu'on ne dispose, comme on l'a vu, que de maigres informations sur le corps de garde de Beg an Ty Garde on peut néanmoins tenter d'en imaginer l'histoire.
Il est vraisemblablement construit après 1694, date à laquelle il ne figure pas sur la "Carte des environs de Brest etc." qui porte la signature de Vauban, et avant 1734, date à laquelle il est mentionné sur un croquis destiné à renseigner un projet de carte de la capitainerie de Crozon.
Il est ensuite représenté sur des cartes utilisées en 1750-1800, en 1771-1785, sur une carte levée en 1782-1783, et sur les cadastres de 1810 et 1851.
Sur le cadastre de 1851, aucune autre construction n'est figurée à l'extrême pointe de Beg an Ty Garde. L'abri dont on voit maintenant les vestiges au sol à l'extrême pointe, et que l'on aperçoit sur des cartes postales, n'existe pas encore.
Depuis 1815, la fin des guerres napoléoniennes et des conflits franco-anglais, la nécessité de surveiller les côtes pour se prémunir d'une attaque s'étant dissipée, le service du guet a été abandonné. Corps de garde et batteries côtières deviennent inutiles en tant que tels. Dans le même temps, avec l'instauration du protectionnisme, c'est l'économie du pays qu'on cherche à préserver de la concurrence étrangère. Les produits d'importation doivent acquitter des droits de douane à leur entrée sur le territoire. Des brigades de douaniers sont installées aux frontières et sur le littoral pour surveiller et empêcher les trafics frauduleux. Roger Garrec nous le dit, les douaniers ont succédé aux gardes-côtes.
Dans la baie de Douarnenez, les douaniers surveillent sans doute avant tout l'arrivée clandestine du tabac anglais, préféré par la population au mauvais tabac français, déjà objet de vives critiques dans certains cahiers de doléances en 1789. Mais d'autres produits en provenance de l'étranger sont peut-être objets de contrebande ou détournés frauduleusement avant leur arrivée dans les ports, et déchargés en haute mer sur de petites embarcations pour être discrètement acheminés sur les plages et dans les criques. Peut-être est-ce le cas de la rogue de Norvège, indispensable aux pêcheurs de sardines et dont le commerce officiel est monopolisé par de riches négociants et industriels. Peut-être est-ce le cas des graines de lin des pays baltes dont la culture est destinée à l'industrie toilière de la région. Peut-être est-ce le cas du goudron de houille anglais servant au calfatage des barques de pêche. Mais ce n'est là que suppositions, de tels trafics n'étant pas documentés.
Barils de rogue de Norvège sur les quais du Port Rhu.
Toutefois, le corps de garde de Beg an Ty Garde, s'il n'a pas été démoli en application du Règlement pour le service de la Garde-Coste de 1716, est probablement plus ou moins laissé à l'abandon et se dégrade lentement. Ailleurs sur le littoral breton, les anciens corps de garde des gardes-côtes sont également attribués à la douane. Grâce aux cartes postales, on en connaît quelques uns qui ont résisté au temps.
Le corps de garde de Kerfissien-Lavillo-Rocher en Cléder (et non en Plouescat comme indiqué à tort sur cette carte postale) construit dans les années 1740, relevait de la capitainerie de Saint-Pol-de-Léon (30).
Avant d'être affecté au service de la douane, le corps de garde d'Argenton en Landunvez faisait partie d'un système de défense comportant également une batterie (31)
Il n'a pas été possible, jusqu'alors, de déterminer quand la construction à l'extrême pointe de Beg an Ty Garde a été désaffecté, puis démoli.
On peut remarquer que la situation de cette pointe a de nouveau été retenue pour y établir un poste de surveillance. Pendant la deuxième guerre mondiale, l'occupant allemand a construit une casemate pratiquement au pied des vestiges du premier corps de garde.
Sur cette photo aérienne, on distingue, à côté des vestiges du corps de garde (cerclés de rouge), la couverture de la casemate allemande (encadrée de rouge). Source: geoportail.gouv.fr
Cette casemate, sans doute destinée à la surveillance, dépendait du Groupe de défense côtier de Quimper (Küsten Vertedigungs Gruppe, noté KV-Gr Quimper, dont tous les éléments sont identifiés par le code Qu), et du Sous-groupe côtier de Douarnenez commençant aux bunkers de Sainte-Anne-la-Palud. Cette casemate était codifiée Qu02 Pointe de Tréfeuntec Nord.
De pontes de pourpres (Nucella lapillus) sont à l'abri, collées sous des rochers de la plage de Tréfeuntec en Plonévez-Porzay (Finistère). Septembre 2018.
Au centre de cette photo, on voit des pontes de couleurs beige et rosée, et, sur la droite, des pourpres, aussi appelées pourpres petites pierres, ou bigorneaux blancs.
Une femelle pourpre pond une quinzaine de capsules contenant chacune des centaines d'œufs. Les femelles se regroupent pour pondre au même endroit.