Les bacs entre Bénodet et Sainte-Marine

Publié le par DL

Depuis 2016 et d'avril à septembre, "Le p'tit bac" assure la traversée de l'Odet entre Bénodet et Sainte-Marine en Combrit (Finistère).

Ce bac piétonnier fonctionne donc uniquement à la belle saison et transporte essentiellement des touristes.

Mais avant lui, d'autres bacs ont assuré le passage des personnes, des animaux et des voitures entre les deux rives de l'Odet. Il s'agissait de favoriser les échanges commerciaux entre le pays de Fouesnant et le pays bigouden sans être obligé de remonter jusqu'à Quimper, soit un détour de près de 40 kilomètres. C'est à Quimper que se trouvait le premier pont sur la rivière antérieurement à la construction, au 20° siècle, de celui de Cornouaille. 

Avant la Révolution française, entre autres privilèges, les bacs (on parlait alors aussi de passages d'eau), comme les ponts, appartenaient généralement aux seigneurs sur les terres desquels ils étaient établis. Ils en confiaient l'exploitation à un fermier qui faisait acquitter un péage aux utilisateurs. A la fin du 18° siècle, il existait déjà un passage d'eau entre Bénodet et Sainte-Marine. Il est mentionné sur une carte marine publiée entre 1771 et 1785. Sans doute existait il déjà avant ces dates, mais on n'en a pas de trace avérée.

"Passage de Benodet" [carte topographique des côtes de France offrant celles de la Bretagne depuis le Mont Saint-Michel jusqu'à l'isle de Noirmoutier] [Anse de Bénodet et Odet]. 1771-1785. Source: gallica.bnf.fr 

De quelle seigneurie le passage d'eau de Bénodet dépendait-il en cette fin du 18° siècle ? Peut-être du fief de Bodinio relevant du marquis de Cheffontaines à Clohars-Fouesnant sur la rive gauche de l'Odet, ou du marquis de Kersalaün en Combrit sur la rive droite, ou peut-être des deux. 

Les privilèges de la noblesse sont abolis en 1789, et une loi du 6 frimaire de l'an VII (novembre 1798) met les bacs et passages d'eau existant à la disposition de l'Etat. Qu'en est-il de celui entre Bénodet et Sainte-Marine ? On ne le sait pas précisément, mais il semble qu'il ait cessé d'exister au moins pendant un temps. En 1833, lors de l'établissement du cadastre dit napoléonien, le passage d'eau est simplement symbolisé par une ligne brisée.

Combrit. Cadastre 1833. Tableau d'assemblage. Source: archives.finistere.fr

Ça pourrait être le signe qu'à cette date, le bac n'est plus en fonction. D'ailleurs, le journal Le Quimpérois du 24 août 1844, rendant compte des délibérations de la session de juillet du Conseil général, confirme qu'à cette date, le bac n'existe plus .

 Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1844. Rapporté par Le Quimpérois. Source: gallica.bnf.fr

En septembre 1850, le rapport du préfet au Conseil général évoque la demande « d'un grand bac propre au passage des voitures, pour remplacer le matériel actuel du passage de Bénodet. ». C'est donc que depuis 1844, le passage d'eau a été rétabli, mais que le matériel ne permet pas le passage des voitures. Ce rapport nous apprend en outre que le passage est alors affermé 65 francs par an.

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1850. Rapporté par  Le Quimpérois. Source: gallica.bnf.fr

Donc, fin de non recevoir: il ne sera pas donné suite au vœu du Conseil général. Mais celui-ci persiste et renouvelle sa demande en 1851.

 Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1851. Rapporté par Le Quimpérois. Source: gallica.bnf.fr

Il faut attendre 10 ans pour que le Conseil général revienne à la charge pour obtenir qu'un bac pouvant transporter des voitures soit construit. De nouveau en vain. 

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1861. Source: gallica.bnf.fr

Il faut dire que, pendant ces années 1850 et 1860, le Conseil général du Finistère s'est surtout préoccupé de la construction de lignes de chemin de fer auprès desquelles l'amélioration du passage d'eau de Bénodet paraissait sans doute dérisoire. Chaque conseiller général veut alors qu'une ligne de chemin de fer desserve son canton et y consacre beaucoup d'énergie. 

7 septembre 1863. Arrivée du premier train en gare de Quimper.

En 1871, l'Etat transfère les bacs et passages d'eau aux collectivités locales et il est rappelé au Conseil général que le Finistère en compte 22, dont 6 relèvent du département parce que desservant des chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun: Plougastel-Daoulas sur l'Elorn, Terenez sur l'Aulne, Rosnoën également sur l'Aulne, Bénodet sur l'Odet, La Porte Neuve en Moëlan sur l'anse de Belon, et Saint-Maurice en Clohars-Cornoët sur la Laïta. Les autres, desservant des chemins vicinaux ordinaires ou ruraux, sont à la charge des communes. Tel est le cas, par exemple, du bac entre Loctudy et L'Île-Tudy ou encore des deux bacs entre Tréboul et Douarnenez.

Tréboul. Le bac du Guet et le bac de "Port hu". Cadastre 1829. Tableau d'assemblage. Source: archives.finistere.fr

En 1871, les choses ont évolué, et c'est dû, semble-t-il, au nouvel "Ingénieur en chef", lequel n'est pas du même avis que ses prédécesseurs qui s'étaient opposés au projet d'établissement d'un bac charretier.

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1871. Source: gallica.bnf.fr

La seule difficulté que reconnaît l'Ingénieur en chef, est la force des courants, en particulier lors des grandes marées, mais qui ne pourrait interdire la traversée d'un bac charretier que quelques jours par an et à certaines heures. La crainte d'un chavirage survenant sur un bac rempli de passagers n'est pas seulement une vue de l'esprit. Sans doute se souvient-on confusément de l'accident survenu en 1725 au passage entre Audierne et Poulgoazec au cours duquel 52 personnes se noient au retour du pardon de Saint Tugen. A Bénodet, le bac piétonnier en fonction depuis plus de vingt ans, moins lourd et plus facile à manœuvrer que le serait un bac charretier, n'est pas autant impacté par ces courants .

Si le projet était adopté, il faudrait refaire la cale de Sainte-Marine, ce qui pourrait être facilité par une subvention du gouvernement. Quant à lui, le préfet est favorable au projet. 

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1871. Source: gallica.bnf.fr

On rappelle lors de cette cession que le matériel du bac piétonnier actuel appartient au fermier. Il est décidé de réaliser une nouvelle étude.

Au cours des années 1872 et 1873, les conseillers généraux débattent de la construction d'un bac insubmersible, éventuellement par la Marine qui refuse, d'un essai avec le bac de la Porte Neuve pour lequel on n'a pas trouvé d'adjudicataire, de l'emploi d'un bac fonctionnant avec une chaîne, du déplacement du passage d'eau plus en amont de la rivière et du coût des différents projets. Mais oppositions et tergiversations ne permettent pas d'avancer, et on demande de nouvelles études.

Les mêmes discussions reprennent en 1874, et face aux plaintes des usagers, on demande aussi une inspection des différents bacs du Finistère, qu'ils appartiennent à l'Etat ou au département.

 Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1874. Source: gallica.bnf.fr

On ne sait pas si le fermier du passage de Bénodet a obtempéré à la mise en demeure du préfet, mais c'est probable, son matériel risquant d'être interdit de navigation dans le cas contraire.

D'après le recensement de population de Bénodet de 1876, l'équipage du bac se compose alors de 4 hommes: Jean Marie Daniel, passageur, François Neilde(z), Olivier Kerambrun et Jean Jacques Le Goff, bateliers.

Recensement de population de Bénodet. 1876. Les 4 bateliers et leurs familles. Source: archives.finistère.fr

Le bail, arrivé à son terme en 1877, est renouvelé par adjudication pour une durée de 6 ans. 

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1877. Source: gallica.bnf.fr

La redevance due par le fermier, qui était de 65 francs en 1850, est donc passée à 70 francs entre 1870 et 1876 et à 100 francs pour les 6 années à venir.

Lors de la cession de 1879, on constate que le service du bac de Bénodet se fait correctement et que le matériel est en bon état. Mais les cales d'accès ont besoin de travaux.

Rapports et délibérations du Conseil général. Session de 1879. Source: gallica.bnf.fr

Il n'y a apparemment rien à signaler à propos de ce bac jusqu'en 1889. On note seulement que ses recettes devraient bientôt couvrir ses frais.

Rapports et délibérations du Conseil général. Session du 30 avril 1889. Rapporté par Le Publicateur du Finistère. Source: gallica.bnf.fr

En 1890, la mise en service de deux bacs charretiers d'une dizaine de mètres de longueur permet d'assurer désormais un service régulier.

Arrivée d'un bac charretier de 1890 à Sainte-Marine. Il transporte une voiture chargée et le cheval qui la tracte. Au premier plan, deux des bateliers s'appuient sur deux grandes rames. Au second plan, à gauche, le charretier et sans doute un autre batelier, et à droite, un passager assis sur le plat-bord. 

Le même bac photographié sous un autre angle, avec le même charretier et son attelage. Les rames ont été rangées sur les côtés du bac et son tablier a été abaissé pour permettre à l'attelage de descendre. A l'arrière du bac, un quatrième batelier est armé d'une longue perche. On peut noter que l'accostage ne se fait pas sur une cale mais sur la grève. (Le cachet de la poste est daté du 21-04-1908).

Sur cette photo de Théodore Amtmann, on voit qu'un embarquement s'effectue sur la grève de Sainte-Marine. Une charrette et son cheval sont embarqués. Un cheval seul et deux autres charrettes semblent attendre leur tour. L'abri du marin n'est pas encore construit. Cette photo est donc antérieure à 1904. Source: Musée d'ethnographie de l'Université de Bordeaux.

C'est la même chose du côté de Bénodet: on n'embarque pas depuis une cale, mais depuis la grève.

Ces deux photos d'André Le Chat, prises vers 1890-1895, nous montrent qu'un embarquement du côté de Bénodet se fait depuis la grève et à dos d'homme pour un passager. Musée départemental breton. N° d'inventaire 184.2.1039 et 184.2.1118

André Le Chat, ingénieur des chemins de fer ayant une résidence à Bénodet, a réalisé entre 1890 et 1919 des clichés sur plaques de verre, dont plusieurs concernent le bac entre Bénodet et Sainte-Marine, et conservés au Musée départemental breton (1). 

Grâce à ses photographies, on peut déduire que deux types de bac pourraient avoir coexisté à cette époque. En effet, sur trois de ces clichés, on voit bien que l'embarcation sur laquelle des passeurs sont photographiés est équipée de bancs et n'est donc sans doute pas adaptée au transport des voitures. 

Passeurs sur l'Odet. André Le Chat. ca 1895. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 184.2.455

Passeurs sur l'Odet. André Le Chat. ca 1895. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 184.2.458

Une autre photo d'André Le Chat nous montre certainement le canot dans lequel ont été photographiés ces deux passeurs. Sans doute ce canot était-il utilisé quand il n'y avait que quelques passagers à faire traverser pour lesquels le bac charretier aurait été surdimensionné.

Bénodet, vue générale depuis l'Odet. André Le Chat. ca 1895. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 184.2.890

Le bac charretier ne transporte pas seulement des voitures à cheval, il transporte aussi des voitures automobiles. Les deux photographies qui suivent, provenant de plaques de verre stéréoscopiques, montrent pour la première l'embarquement d'une voiture automobile côté Bénodet, sous le regard attentif du conducteur, et pour la seconde son débarquement côté Sainte-Marine.

Bénodet - Le bac à rames - vers 1907-1910. Anonyme. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 2022.2.4

Sainte-Marine - Sortie du bac. Anonyme. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 2022.2.5

En septembre 1908, le fonctionnement du bac de Bénodet fait l'objet de réclamations dont la nature n'est pas précisée. Louis Hémon, conseiller général du canton de Fouesnant demande son remplacement par un bac à vapeur.

L'Ouest Eclair. 6 septembre 1908 Source: gallica.bnf.fr

Dès avril 1909, un certain Noël sollicite la concession d'un bac à vapeur.

La Dépêche de Brest. 22 avril 1909. Source: gallica.bnf.fr

Cette fois, la demande de Louis Hémon est rapidement satisfaite. Lors de sa session de septembre 1909, le Conseil général décide la transformation du bac charretier en bac à vapeur et vote un budget pour l'amélioration des cales.

Compte rendu de la session de septembre 1909 du Conseil général dans le journal Le Bas Breton. 18 septembre 1909. Source: gallica.bnf.fr

Qui est donc ce M. Noël qui candidate à la concession du bac à vapeur de Bénodet avant même que la décision d'en faire construire un ne soit fermement actée par le Conseil général ?

Julien Marie Paul Noël est né en 1851 à Clermont dans l'Oise. En 1874, il épouse à Paris Jenny Hayaux du Tilly, dont il prendra l'habitude d'adjoindre la particule à son propre patronyme pour se faire appeler Noël du Tilly. Il se déclare tantôt commis de négoce, tantôt négociant, fabricant-négociant de lampes, entrepreneur de transports ou exploitant de carrière. Conseiller municipal puis maire de Honfleur (Calvados) de 1899 à 1904, il est aussi membre de la Chambre de commerce de Honfleur en 1901. En 1893, il est vice-consul honoraire de Suède, de Norvège et du Danemark à Honfleur. Et surtout, au moment où il postule pour la concession du bac à vapeur de Bénodet, il est déjà directeur de celui du passage Saint-Jean entre Plougastel-Daoulas et Kerhuon sur l'Elorn.

Plougastel-Daoulas - Le bac à vapeur. Correspondance de 1908 au dos de cette carte postale. 

Pour le passage de Bénodet, un bac à vapeur est donc construit à Rouen, vraisemblablement par Les Chantiers de Normandie au Grand Quevilly (Seine Maritime). Le Finistère ne manque pas de chantiers navals capables de construire un tel bateau, mais Julien Noël a sans doute voulu privilégier une entreprise située non loin de Honfleur et qui a déjà construit des bacs à vapeur. Des bacs à vapeur fonctionnent sur la Seine en amont de Honfleur depuis plusieurs décennies: en 1868, le 1er bac à vapeur en France assure le passage entre Caudebec en Caux et Saint-Nicolas-de-Bliquetuit, en 1872 à Duclair, en 1873 à Quillebœuf, en 1892 à La Mailleraye-sur-Seine. Julien Noël les a sans doute vus en fonctionnement et les a peut-être empruntés.

Le bac de Duclair (Seine Maritime) a vraiment un aire de famille avec celui Plougastel.

Le bac destiné à Bénodet est transporté à Quimper en pièces détachées. Il est remonté en mai 1911 sur la cale de mise à l'eau de Locmaria sur la rive gauche de l'Odet.

Quimper - Le bac de l'Odet en construction à Locmaria. André Le Chat. 05/1911. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 1984.2.1236.

A la même époque, Julien Noël, le concessionnaire, recherche un mécanicien pour ce nouveau bac.

La Dépêche de Brest. 1er mai 1911. Source: gallica.bnf.fr

Le recensement de la population de Bénodet en 1911 nous fournit l'identité des bateliers du bac: Corentin Ster, Guillaume Berrou, Pierre Caoudal, Charles Bolloré, Jean Caoudal, Jean-Louis Cabellan, Joseph Yeurc'h, Jean-Louis Le Meur, tous qualifiés de "batelier", Yves Jean Clément, "passeur", et Yves Caradec, "entrepreneur du bac". Soit 9 bateliers et passeur et un entrepreneur. Il s'agit vraisemblablement des personnels manœuvrant les deux bacs charretiers alors encore en fonction avant l'inauguration du bac à vapeur.

Le nouveau bac mesure 15 mètres de long et 8 mètres de large. A chaque extrémité, il est équipé d'un tablier mobile de 5 mètres de long et 3,20 mètres de large, actionné par des treuils. Il a une charge utile de 12 tonnes et jauge 87 tonneaux. A l'aide de sa machine à vapeur, il se tracte lui-même le long de deux chaînes immergées dans la rivière entre la cale de Bénodet et celle de Sainte-Marine.

Quimper - Le bac de l'Odet en construction à Locmaria. André Le Chat. 05/1911. Source: Musée départemental breton. N° d'inventaire 1984.2.1781.

Le bac est lancé à Quimper le 29 juin 1911.

La Dépêche de Brest. 30 juin 1911. Source: gallica.bnf.fr

 On peut remarquer les chaînes de traction sur cette carte postale de la cale de Sainte-Marine.

Sur cette carte postale de la cale de Bénodet, on voit aussi nettement les chaînes de traction.

A Sainte-Marine, une source est captée au-dessus du port pour remplir une réserve destinée à alimenter la machine à vapeur du bac. Aujourd'hui, dans la parcelle rebaptisée Park an treizour (jardin du passeur), il n'en subsiste que des maçonneries, dont celle qui supportait la cuve métallique.

Le pont du bac à vapeur porte deux cabines, superstructures rectangulaires dont une seule abrite la machine à vapeur. Une des deux cheminées est donc seulement décorative. 

En juillet ou en août 1918, Franklin Delano Roosevelt emprunte le bac entre Bénodet et Sainte-Marine. Celui qui deviendra le 32° président des Etats-Unis en 1933 est alors secrétaire adjoint à la Marine, et c'est sans doute à l'occasion d'une visite à la base américaine d'hydravions installée à l'Ile-Tudy qu'il effectue la traversée de l'Odet (2).

Assistant Secretary of the Navy Franklin D. Roosevelt in Concerneau (!),  France during his inspection tour of U.S. naval installations. Source: The National Archives. Office of the Archivist of the United States.

En raison de l'incontestable service rendu par les bacs de Plougastel et de Bénodet pour l'économie locale, le Conseil général subventionne le concessionnaire. Mais le rachat de celui de Bénodet et son exploitation en régie à compter du 1er janvier 1922 ont été décidés. Etrange régie, puisqu'elle reste confiée à l'ancien concessionnaire moyennant une réforme du calcul de sa rémunération.

La Dépêche de Brest. 22 septembre 1922. Source: gallica.bnf.fr

La Dépêche de Brest. 18 mars 1923. Source: gallica.bnf.fr

Rémunéré en proportion des recettes et des bénéfices, M Julien Noël s'estime lésé par la diminution des tarifs décidée par le Conseil général sans qu'il ait été consulté. Le Conseil général fait droit à sa réclamation.

La Dépêche de Brest. 23 mai 1925. Source: gallica.bnf.fr

Les usagers se plaignent de l'irrégularité des heures de passage et de l'absence d'informations sur les horaires et les tarifs.

La Dépêche de Brest. 22 juillet 1925. Source: gallica.bnf.fr

En cas d'indisponibilité du bac à vapeur, c'est toujours un bac à rames, construit en 1925, qui assure le passage.

La Dépêche de Brest. 27 juin 1927. Source: gallica.bnf.fr

En 1928, Le Conseil général vote un budget pour le remplacement du bac l'année suivante.

La Dépêche de Brest. 27 octobre 1928. Source: gallica.bnf.fr

Le nouveau bac est construit à Lorient et monté, lui aussi, à Quimper, quartier de Locmaria. Il a les mêmes dimensions que celui qu'il remplace: 15 mètres de long et 8 mètres de large. Il est lancé le 8 mai 1929.

La Dépêche de Brest. 9 mai 1929. Source: gallica.bnf.fr

Le nouveau bac est lancé à Quimper le 8 mai 1929, mais fin juillet, il n'est toujours pas mis en service, et c'est le bac à rames qui, encore une fois, assure le passage. Mais celui-ci n'est plus adapté aux évolutions des modes de transport, et c'est ce qui pousse le président de l'Union du commerce et de l'industrie de Pont l'Abbé a adresser une longue lettre de protestation au président du Conseil général.

Extrait de la lettre ouverte du président de l'Union du commerce et de l'industrie de Pont l'Abbé. La Dépêche de Brest. 30 juillet 1929. Source: gallica.bnf.fr

Le nouveau bac à vapeur, baptisé "Odet", ressemble vraiment beaucoup à celui qu'il remplace. Un détail permet de les distinguer sur les photographies qui circulent, en particulier sur les cartes postales: les cheminées du premier sont toutes noires tandis que celles du second sont claires et seule leur extrémité est noire.

Le contrat d'assurance couvrant les risques de navigation du bac à vapeur arrivant à échéance en juillet 1829, la question se pose de le renouveler. Le bac naviguant dans un espace habituellement abrité des forts coups de mer, par mesure d'économie, le Conseil général décide que ce contrat d'assurance ne sera pas renouvelé, seul celui couvrant les risques courus par les passagers étant maintenu.

La Dépêche de Brest. 29 août 1929. Source: gallica.bnf.fr

Hélas ! Dans la nuit du 4 au 5 décembre 1929, une tempête d'une violence inhabituelle s'abat sur la région ! Le bac à vapeur tout neuf et le bac à rames de secours coulent !

La Dépêche de Brest. 6 décembre 1929. Source: gallica.bnf.fr

Les travaux de renflouement commencent le 16 décembre sous la conduite d'un certain capitaine Donnat et à l'aide de 3 navires.

La Dépêche de Brest. 17 décembre 1929. Source: gallica.bnf.fr

Cerclées de jaune, les superstructures du bac à vapeur émergent à peine de l'eau. Renflouement du bac.

La Dépêche de Brest. Extrait. 21 décembre 1929. Source: gallica.bnf.fr

Le bac reprend du service après plusieurs mois de remise en état.

Année après année, les plaintes des usagers continuent, que ce soit à propos des horaires ou des tarifs. En 1935, le Conseil général vote un budget pour réparer la chaudière et en commander une nouvelle. On commence à envisager le remplacement du bac par un pont et une étude est demandée.

La Dépêche de Brest. 16 mai 1935. Source: gallica.bnf.fr

En mai 1935, le préfet du Finistère publie un tarif de passage très détaillé où tout est prévu: voitures attelées à deux ou quatre roues, vides ou chargées, charrettes, voitures automobiles, motocyclettes, bicyclettes, voitures d'enfants, autocars, passagers, ânes, veaux, chevaux, vaches, chiens, conditions particulières, abonnements ...

La Dépêche de Brest. 25 mai 1935. Extrait. Source: gallica.bnf.fr

Le bac à rames qui assure le passage en cas d'indisponibilité du bac à vapeur, et construit en 1925 à Quimper, est en bout de course et doit être remplacé.

La Dépêche de Brest. 5 novembre 1938. Source: gallica.bnf.fr

L'exploitation du bac a été déficitaire en 1938, et l'année suivante, le Conseil général décide d'augmenter considérablement les tarifs et, par mesure d'économie, de limiter le recours au bac à vapeur en hiver en privilégiant le bac de secours et une vedette. 

La Dépêche de Brest. 27 avril 1939. Source: gallica.bnf.fr

Surviennent la guerre et la débâcle de l'armée française. C'est le 20 juin 1940 que les premiers allemands arrivent à Bénodet en la personne de trois éclaireurs motocyclistes. Ils se contentent de couper les liaisons téléphoniques à la Poste, de réclamer les clefs des phares et de relever le niveau de l'essence dans la cuve de la douane avant de s'en aller. Le premier véritable contingent allemand n'arrive que le 26 juin. Commencent alors l'occupation et les restrictions de circulation.

Une réponse de la préfecture à une enquête de la Feldkommandantur de Quimper en août 1942 nous apprend que le passage de l'Odet ne se fait plus par le bac à vapeur, mais par la vedette Iseult  qui assure le transport des personnes et des véhicules (il s'agit sans doute de la vedette mentionnée dans l'article de la Dépêche de Brest du 27 avril 1939). Elle assure aussi bien le transport des civils que celui des troupes d'occupation au rythme de 13 allers et retours journaliers en hiver et de 15 allers et retours en été. Et du 1er avril au 30 juin 1942, elle a assuré en moyenne 8 allers et retours supplémentaires pour les troupes d'occupation.

Courrier de la préfecture à la Feldkommandantur à Quimper. Août 1942. Extrait Source: archives.finistere.fr

Qu'est donc devenu le bac à vapeur ? Un autre courrier de novembre 1942 de la préfecture du Finistère à la Kriegsmarine à Bordeaux indique que le bac à vapeur a été réquisitionné. C'est enfin un courrier de la Kriegsmarine à la préfecture du Finistère en août 1943 qui nous apprend que le bac à vapeur Odet se trouve au port de Concarneau et qu'il va être restitué à son propriétaire, le département. Rien n'indique les motifs de sa présence à Concarneau.

Courrier de la Kriegsmarine à la préfecture du Finistère. 31 août 1943. Source: archives.finistere.fr

La photographie qui suit n'étant pas datée, on ne peut déterminer si elle a été faite avant la réquisition du bac par la Kriegsmarine ou après sa restitution. 

Des soldats allemands sur le bac durant la Seconde Guerre Mondiale. Source: combrit-saintemarine.bzh/histoire-de-combrit-sainte-marine

En août 1944, avant de se retirer, les troupes allemandes détruisent non seulement les phares de Bénodet et de Combrit, mais elles font aussi sauter le bac. 

Etat du port de Bénodet et des sémaphores de la côte Sud du Finistère. Rapport du Groupe Marine des FFI de Quimper au lieutenant colonel Plouhinec. 21 août 1944. Extrait. Source: archives.finistere.fr

En attendant mieux, on se débrouille pour passer l'Odet. En 1947, il semble qu'un ancien bac à rames tracté par un canot à moteur transporte passagers et voitures comme nous le montre le film amateur qui suit.

A gauche, l'ancien bac à rames. A droite le canot à moteur. Photos extraites du film qui suit.

A gauche, passagers au premier plan et canot au second plan. A droite le bac et le canot à l'arrivée à Bénodet. Photos extraites du film qui suit.

Les véhicules plus lourds ou plus encombrants comme les cars et les camions ne peuvent pas être transportés par ce vieux bac. Mais en octobre 1949, les chantiers Dubigeon de Nantes lancent, pour la liaison Bénodet-Sainte-Marine, un nouveau bac  qui devrait entrer en fonction au début de l'année 1950.

 Le Progrès de Cornouaille. 8 octobre 1949. Source: archives.finistere.fr

Hélas, la mise en service du nouveau bac est retardée, et un an plus tard, c'est toujours le vieux bac tracté par une vedette qui est en fonction et qui s'échoue sur la rive côté Sainte-Marine.

La Liberté du Morbihan. 28 octobre 1950. Source: gallica.bnf.fr

La vedette qui tractait le bac jusqu'alors doit elle-même être fatiguée puisqu'en janvier 1951, elle est remplacée, et qu'on en construit même une nouvelle.

Le Progrès de Cornouaille. 20 janvier 1951. Source: archives.finistere.fr

Le nouveau bac est enfin mis en fonction courant 1951. Plus long et plus large que les bacs à vapeur, il peut transporter plus de voitures (sur 2 rangées) et de poids lourds. S'il est mû par un moteur diésel, il se tracte comme les bacs à vapeur à l'aide de deux chaînes immergées entre les cales de Bénodet et de Sainte-Marine.

Le nouveau bac à la cale de Sainte-Marine. 

Le nouveau bac à la cale de Bénodet.

En 1962, dans les Cahiers de l'Iroise, Léontine Drapier-Cadec, dans un article sur "Bénodet où tout est grâce et sourire", nous livre son témoignage sur le fonctionnement du bac.

Léontine Drapier-Cadec. Bénodet où tout est grâce et sourire. Les cahiers de l'Iroise. Juillet-Septembre 1962. Source: yroise.biblio.brest.fr

Le trafic augmente, en particulier pendant la saison estivale, avec les touristes. Il passe de 28.000 passages en 1951 à 135.000 en 1964. Les files et les délais s'allongent pour passer l'Odet, provoquant des embouteillages sur les deux rives. Alors, c'est décidé, le Conseil général lance la construction d'un pont entre les deux rives. Le site d'implantation de ce pont a été choisi dès 1954: ce sera entre les pointes du Cosquer côté Sainte-Marine et de Kergos côté Clohars-Fouesnant.

Mais en attendant, pour faire face à l'augmentation du trafic, il est décidé d'agrandir le bac. Pour ce faire, en 1964, on l'élargit après l'avoir coupé en deux. Dorénavant, il peut accueillir les voitures sur 3 ou 4 rangées. 

On le voit, ici à la cale de Bénodet, le bac est maintenant nettement plus large. 

En 1971, on enregistrera 290.000 passages sur le bac.

La construction du pont a démarré en 1968, et l'ouvrage est inauguré le 15 mai 1972, marquant la fin de carrière du bac diésel.

Fin de carrière de ce bac, mais pas fin du passage d'eau entre Bénodet et Sainte-Marine puisque, dans les années 2000, le Picot, pinasse arcachonnaise, assure à la belle saison le transport des piétons et des vélos entre les 2 rives de l'Odet. Il sera remplacé en 2016 par le P'tit bac que nous connaissons aujourd'hui.

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Histoire du Pont de Cornouaille et de ce qui l'a précédé.

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