Le calvaire Saint-Jean à Tréboul

Publié le par DL

C'est un bien modeste monument qui attire l'attention du promeneur place Robert Le Goff à Tréboul-Douarnenez (Finistère). 

Appelé tantôt "croix de Saint-Jean", tantôt "calvaire de Saint-Jean", c'est un édifice d'aspect composite: un massif en moellons de schiste à 4 degrés supporte un socle de granite servant de base à un calvaire composé d'une colonne cylindrique sur laquelle est fixé un Christ en croix en fonte. 

Sur le quatrième degré est scellé une plaque gravée en granite.

Au pied de la colonne cylindrique en granite, une statue sans doute de la Vierge.

Croix ou calvaire, ce monument est sans aucun doute en rapport avec la chapelle Saint-Jean toute proche. 

La chapelle Saint-Jean, parfois datée du 15° siècle (1) et parfois du 16° siècle (2), dans les deux cas sur on ne sait quelle base, a été reconstruite au 18° siècle. 

On ignore l'origine de sa fondation. Rien ne permet d'imputer celle-ci aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. En effet, si ceux-ci avaient des possessions à Plouhinec et à Beuzec-Cap-Sizun (3), ni les archives de la commanderie de Quimper, ni celles de la commanderie de La Feuillée ne mentionnent de possession à Tréboul, pas plus qu'à Poullan, dont Tréboul a dépendu jusqu'en 1880 avant d'être rattaché à Douarnenez en 1945 (4).

Pour en revenir au calvaire de la place Robert Le Goff, on nous dit qu'il aurait été érigé vers 1630 par Roland Doré (vers 1585-1663), célèbre sculpteur et architecte originaire de Landerneau, et auteur de multiples calvaires et statues dans les anciens diocèses de Cornouaille, Léon et Trégor (5). Dans la région proche, on lui doit des œuvres à Cléden-Cap-Sizun, Esquibien, Plogonnec, Plonévez-Porzay, et en particulier une croix de chemin érigée en 1640 au lieu-dit Kervignac en Poullan (6). 

Du calvaire de Tréboul, il aurait sculpté la colonne cylindrique et la Vierge, ainsi que le Christ en granite déposé au cimetière ou au presbytère de Douarnenez (7) et remplacé, en 1925, par l'actuel crucifix en fonte.

Ce qui est intéressant, c'est la plaque en granite sculptée et appliquée sur le 4ème degré du monument.

On y lit: F (ou P) 1699, et sur la ligne inférieure H:H:I:DOARE 

1699 est vraisemblablement la date de la pose de cette plaque, correspondant sans doute à des travaux de réparation, de transformation ou de réédification du monument. On peut émettre l'hypothèse que ces travaux consistaient en la construction des 4 degrés maçonnés en moellons, et la pose, à leur sommet, de la colonne cylindrique et des sculptures en granite de kersanton qui se trouvaient peut-être depuis l'origine, vers 1630, sur un autre socle lui-même en granite.

L'inscription H:H:I:DOARE peut se lire Honorable Homme Iohannes (version latine de Jean) Doaré

Selon le Dictionnaire de Furetière (1690), "Honorable homme" est défini comme:
"Titre que l'on donne dans les contrats à ceux qui n'en ont point d'autres, et qui n'ont ni charge ni Seigneurie qui leur donne une distinction particulière. C'est celle que prennent les petits bourgeois, les Marchands, et les Artisans."

Jean Doaré (ou Le Doaré) était donc sans doute un marchand ou artisan aisé de Tréboul qui a financé les travaux de réparation ou de reconstruction du calvaire. 

Une fois encore, ce sont les généalogistes amateurs qui nous éclairent sur ce personnage. En effet, le site geneanet.org fait mention à plusieurs reprises d'un Jean Doaré (ou Le Doaré) et des différents actes d'état civil dans lesquels il est impliqué.

En 1691, naissance de sa fille Marie.

« Ce jour 28° juillet Mil six cents et nonante et un Marie nay le jour précédant fille naturelle et légitime d'honnorables gents Jean Le Doaré et Catherine Lorens ses père et mère du lieu de Kmabon en cette parroe a esté baptisée en l'église de céans par le soussignant curé, parain et Maraine ont été honnorables gents hervé Urvoas ermite et gabrielle le Mignon qui ont soussigné. Hervé Urvoaz ermitte    gabrielle Le Mignon    Jean Gavan pbre et curé » 

Acte de baptême du 28 juillet 1691. Archives départementales du Finistère. Etat civil de Poullan.

On le voit, Jean Le Doaré et Catherine Lorens sont qualifiés "d'honorables gens", de même que Hervé Urvoas Ermite et Gabrielle Le Mignon.


En 1703, Jean Le Doaré est le parrain du petit Jean Poullan. 

« Ce jour dix neufième aoust mil sept centz trois, Jean, né le même jour, fils naturel et légitime d'honorables gens Jean Poullan et Jeanne Urvoaz dit Ermite, ses père et mère, du bourg de Treboule Coz en cette paroisse, a été baptisé en l'église de céans par le soussignant curé, parrain et maraine ont été honorables gens Jean Le Doaré et Anne Urvoaz dit Ermite qui ont soussigné. Signé Anne Urvoy J. Doarée Jean Gavan Pbre et curé »

Acte de baptême du 19 août 1703. Archives départementales du Finistère. Etat civil de Poullan.

En 1714, mariage de sa fille Marie.

« Ce jour dix septembre mil sept cent quatorze après les fiançailles fait face d'église les proclamoons des bans canoniquement faites par trois dimanches consécutifs sans oppoons sçavoir les quinze, vingt et deux et vingt neuf juillet de la présente année mil sept cent quatorze le tout sans oppoons je soussigné ay publiquement interrogé en la chapelle de St Jan Treboull l:homme Jan Largenton aagé denviron vingt et quatre ans fils de feu honorable Jan Largenton et demoiselle Marie Jannou de la paroe de Dineaul et demoiselle Marie le Doaré aagée denviron vingt et trois ans fille h. home Jan le Doaré et demoiselle Catherine Lorens de cette paroe et de leur consentement par moy solemnellement pris par parolles de present les ay conjoint en mariage en presence d Allain le Goff et autres soussignant et d h:h: Jan le Doaré Jan Madezo et autres soussignant pere et oncle de la nouvelle mariée signé à l'original J. Marzin ptre J. le piclet ptre Jan Largenton marie Doaré J. Madezo b: gennou p: madezo j: herpeu allain le corre ptre T:h; Jac ptre Thebault le Baron recteur de Poullan »

Acte de mariage du 10 septembre 1714. Archives départementales du Finistère. Etat civil de Poullan.

On mesure ici la position sociale qu'occupe Jean Le Doaré dans la paroisse. Cinq prêtres assistent au mariage de sa fille, célébré en la chapelle Saint-Jean de Tréboul: J. Marzin, J. Le Piclet, Alain Le Corre (sans doute curé de Pouldergat en 1722), T-H Jacq (curé de Saint-Jean en 1711) et Thébault Le Baron, lui-même recteur de Poullan. 

A l'époque moderne, le calvaire Saint-Jean a été le sujet de quelques cartes postales.

Le calvaire Saint-Jean a aussi inspiré les peintres.

Anne Redpath.

Christopher Wood.

Christopher Wood

Ce tableau d'Emile Cambiaggio, intitulé "Chapelle Saint-Jean de Tréboul Finistère" est une recomposition en atelier. En réalité, le calvaire n'est pas aussi proche de la chapelle, sa croix sommitale ne ressemble pas à celle-ci et le clocher de la chapelle n'a rien à voir avec celui-ci.

Pierre Auguste Renoir

Joseph Eugène Marie Thouault

Liens: 

http://www.infobretagne.com/poullan-sur-mer-chapelle-saint-jean.htm

La chapelle Saint-Jean de Tréboul sur le site patrimoine.bzh

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