Le recul du trait de côte à l'Île-Tudy et Combrit

Publié le par DL

Sur la plage du Teven, à la limite de Combrit et de l'Île-Tudy (Finistère), comme tous les hivers, la mer a emporté au large d'importantes masses de sable. Cela a dégagé de grandes plaques sombres assez compactes. Février 2021.

Par endroits, à la surface  de ces plaques, on voit les traces laissées par des racines de plantes.

Ce phénomène illustre le recul du trait de côte à cet endroit, et en particulier le recul de la dune.

En effet, ces plaques sombres sont les vestiges de la lagune (aussi appelée marais arrière-dunaire) qui se trouvait à l'arrière de la dune et qui, après avoir été en grande partie asséchée, forme aujourd'hui un polder.

Jusqu'au milieu du 19° siècle, l'Île-Tudy était vraiment une île partiellement reliée à la terre par un cordon de dunes discontinu attaché, au Nord-Est, à la pointe de Combrit.

Sur cette carte marine de l'entrée de la rivière de Pont-l'Abbé (1771-1785), le cordon dunaire reliant l'Île-Tudy à la pointe de Combrit est nettement représenté. Source: gallica.bnf.fr

Autre carte marine tirée du Pilote français (1819-1822). Source: gallica.bnf.fr

A chaque marée haute, la mer envahissait l'arrière de la dune par la passe entre Loctudy et l'Île-Tudy et par l'anse de Pouldon, ainsi que par quelques trouées (ou graux) non permanentes dans le cordon dunaire (que l'on peut voir sur la carte précédente), et déposait des sédiments. A marée basse, le marais ainsi formé s'asséchait. La superficie noyée par la mer dépendait naturellement de l'importance du coefficient de chaque marée. Aujourd'hui, un phénomène similaire se produit dans ce qu'on appelle "la Mer Blanche" entre la pointe de Bénodet et celle de Mousterlin à Fouesnant.

Jusqu'au milieu u 19° siècle, le marais arrière-dunaire entre l'Île-Tudy et Combrit devait avoir un aspect similaire à la Mer Blanche entre Bénodet et la pointe de Mousterlin. Photo aérienne. Source: geoportail.gouv.fr

Détail de la photo précédente. C'est la partie de la Mer Blanche qui n'est submergée par la mer que lors des marées hautes de vives eaux. Le marais arrière-dunaire de l'Île-Tudy-Combrit devait avoir cet aspect. Même source que ci-dessus. 

Les sédiments déposés par la mer dans ce marais s'accumulaient progressivement, et dans des secteurs recouverts seulement aux grandes marées, quelques plantes supportant la salinité du sol s'implantaient (salicorne par exemple). 

Dans les années 1852-1853, deux aristocrates, Duplessis de Grénédan et De Crésolles, désireux de mettre en valeur ces espaces à l'arrière de la dune, entreprennent la construction de la digue de Kermor, entre la partie Sud-Ouest du cordon dunaire et la pointe du Haffond, séparant ainsi la lagune de l'anse de Pouldon. Dans le même temps, les trouées dans le cordon dunaire, au niveau du Treustel sont comblées. Ces travaux entraînent la poldérisation de l'ancien marais.

Photo aérienne des lieux. Source: geoportail.gouv.fr

Mais si cette zone à l'arrière de la dune se trouve ainsi figée, il n'en va pas de même pour la dune proprement dite. Elle recule, du moins dans cette partie au niveau de la plage du Téven. Avec des phases d'amaigrissement et d'engraissement successifs de la plage, la dune aurait reculé en moyenne de 40 centimètres par an entre 1852 et 1990 (Préfecture du Finistère. Plan de prévention des risques naturels prévisibles / Submersion marine. Février 1997). La dune a donc commencé par déborder sur l'ancien marais arrière-dunaire, et, en continuant de reculer vers le Nord, elle a fini par laisser reparaître, au Sud, d'anciens sédiments sablo-vaseux, le plus souvent cachés par le sable de la plage.

Avant la construction de la digue de Kermor, la mer envahissait la lagune à chaque marée, et y déposait des sédiments.

La construction de la digue de Kermor (1852-1853) a provoqué la poldérisation de l'ancien marais. La végétation a pu s'y installer. Les terres ainsi gagnées sur la mer ont été cultivées ou converties en pâtures. Le cordon dunaire a commencé à se déplacer vers l'intérieur du polder, et à recouvrir les anciens sédiments.

Le cordon dunaire a poursuivi sa progression à raison d'environ 40 cm par an entre 1852 et 1990.

Le cordon dunaire laisse maintenant réapparaître les anciens sédiments du marais à l'occasion de démaigrissements de la plage.

Il est très probable que le processus va se poursuivre. Des tentatives pour essayer de contrarier le recul du cordon dunaire de Combrit-Île-Tudy ont été entreprises, mais n'ont abouti, au mieux, qu'à le ralentir momentanément.

Des géotextiles et des filets censés retenir le sable de la plage de Kermor reparaissent occasionnellement lors de forts coups de mer. Ici en décembre 2019.

Lors des prochaines tempêtes d'hiver, il est probable que nous verrons encore apparaître les sédiments de l'ancienne palue de Combrit-Île-Tudy.

Liens:

https://www.conservatoire-du-littoral.fr/siteLittoral/49/28-le-polder-29_finistere.htm

Dynamiques et évolutions morpho-sédimentaires de l’avant-plage du secteur littoral de Combrit – Île-Tudy entre le XIXe et le XXIe siècle

Benoît Guillot. Histoire et érosion du cordon dunaire De Combrit à l’Ile Tudy

https://fr.wikipedia.org/wiki/Île-Tudy

 

Publié dans Géologie hydrologie

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