Le lavoir de Porz ar Feunteun à Lesconil

Publié le par DL

A Lesconil (commune de Plobannalec-Lesconil, Finistère), pas très loin de la Croix des amoureux (Kroez ar Garantez), une construction sur l'estran intrigue le promeneur.

A l'extrémité d'un enclos presque entièrement ceint de murets maçonnés, bée une sorte de niche couverte d'un toit en bâtière. L'ensemble fait penser à un lavoir.

Mais le sol de l'enclos et la niche elle-même sont couverts de blocs rocheux, dont certains d'une taille impressionnante, visiblement projetés par-dessus les murets par la mer lors de coups de vent ou de tempêtes.

Et pourtant, il s'agit d'un lavoir alimenté par une fontaine: le lavoir de Porz-ar-Feunteun (l'anse ou la crique de la fontaine en breton).

Qu'est-ce qui a bien pu pousser les habitants à construire un lavoir dans un tel endroit ?

Bien sûr, c'est la présence d'une fontaine d'eau douce, mais c'est surtout le fait que les autres lavoirs de Lesconil (lavoirs de Menez Roz, de Kerloch et du Steir Nébilic) se trouvaient très éloignés pour les femmes habitant cette partie Sud de la localité appelée la Palud. 

Le lavoir du Steir Nébilic, construit en 1884. A cette époque, le Steir Nébilic s'étendait presque jusqu'au pied de la chapelle Sainte-Anne (avant que celle-ci ne devienne église Notre-Dame de la mer en 1924). Le muret que l'on voit derrière les lavandières empêchait qu'à marée haute la mer envahisse le lavoir (aujourd'hui comblé).

L'essentiel des informations sur la fontaine et le lavoir de Porz ar Feunteun est tiré de "Hier Plobannalec-Lesconil" de Roland Chatain et Raymond Cariou (1), informations reprises en partie en 1997 dans un article du Télégramme par Patrick Aubé, alors président de l'ODELL, Organisation de défense de l'environnement et du littoral de Lesconil qui s'est chargée de la restauration de l'édifice (2).

La plus ancienne image que l'on ait de ce lavoir est un tableau de Paul Grégoire, exposé au Salon de Paris en 1907 et intitulé "Lavandières près de la mer au pays bigouden".

"Lavandières près de la mer au pays bigouden" de Paul Grégoire. Si le lavoir existe bien, la niche de la fontaine n'est pas représentée sur cette peinture et on n'est donc pas sûr qu'elle existait. Source: artnet.com

Ce tableau de Paul Grégoire a été reproduit sous forme de carte postale, et intitulé cette fois "Un lavoir au bord de mer".

A Porz ar Feunteun, en construisant une niche maçonnée, on a voulu protéger la fontaine des assauts de la mer pour qu'elle ne la recouvre pas de blocs rocheux et ne l'obstrue pas.

On le voit donc, si la fontaine proprement dite était abritée par cette niche, à l'origine, le lavoir n'était en fait qu'un bassin aménagé dans l'estran par enlèvement de roches. Le fond de la "cuve" ainsi agencée a vraisemblablement été étanché et dallé. Sur le pourtour, des pierres plates ont été disposées pour battre et frotter le linge.

La fontaine et le lavoir dans les années 1920. La fontaine est abritée dans sa niche et le lavoir proprement dit n'est encore qu'un trou aménagé au milieu des rochers. 

Sur cette autre carte postale, dans le coin inférieur droit, on devine la niche maçonnée qui abrite la fontaine. 

A côté d'un tas de draps en train de s'égoutter, une civière qui sert ordinairement au transport du goémon permettra à deux lavandières de ramener leur linge à la maison.

Une civière à goémon dans son usage principal.

En mai 1927, une délibération du conseil municipal de Plobannalec insiste sur la nécessité qu'il y aurait de protéger le lavoir de la Palud (Porz ar Feunteun) par un mur de défense contre la mer. Mais à cette date, la mairie ne dispose pas du montant estimé de cette dépense (1.800 francs). 

La fontaine et le lavoir dans les années 1930. Le mur de protection a vraisemblablement été construit en 1928.

Sur cette autre carte postale, on voit une civière à goémon posée sur le mur de protection.

S'il évite la plupart du temps l'envahissement du lavoir par des galets et des rochers, ce mur de protection n'empêche pas la mer d'inonder occasionnellement le bassin en le submergeant ou en pénétrant par le conduit d'évacuation lors des grandes marées.

Photo Henri Moreau. Source: wikipedia.org. Sous licence Creative Commons 

Le conduit d'évacuation.

Pour réutiliser le lavoir, il fallait alors attendre que l'eau douce de la fontaine ait remplacé l'eau de mer.

Mais pire que cela, lors des tempêtes, les vagues projetaient jusqu'à l'intérieur du lavoir des roches qu'il fallait ensuite évacuer (aujourd'hui, quand cela arrive, il n'y a plus nécessité de rendre le lavoir opérationnel et les roches restent).

A Lesconil, à partir du milieu des années 1930, l'installation de pompes publiques dans le village a marqué le début du changement des habitudes. Les femmes s'y approvisionnaient en eau qu'elles ramenaient à la maison pour remplir leur lessiveuse et laver leur linge sur des lavoirs individuels. Sans doute quelques unes ont-elles continué à se retrouver à Porz-ar-Feunteun pendant quelques années.

Inutilisés, le lavoir et la fontaine se sont dégradés surtout sous les effets des coups de mer. En 1997, ils ont été restaurés par l'ODELL, Organisation de défense de l'environnement et du littoral de Lesconil.

Liens:

Le lavoir de Porz ar Feunteun sur le site petit-patrimoine.com

Le rocher du Goudoul et le lavoir de Porz ar Feunteun sur le site lesphotosdecaty.blogspot.com

Mai 1997: inauguration du lavoir rénové dans Le Télégramme

"Pierres et paysages", le site de l’association « Lire à Plobannalec-Lesconil » sur le patrimoine de Plobannalec-Lesconil.

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